Chapitre 11 : Planification

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« Si la sommes de nos expériences constitue ce que nous sommes réellement, en tissant, dans nos esprits, une toile complexe de souvenirs. Si chacun de ces souvenirs sont autant de rouages compliqués composant notre psyché, pouvons-nous prétendre être toujours la même personne si un seul de ces mécanismes est altéré ? »

John remontait calmement les marches le séparant de l'appartement d'Agus. Son esprit vagabondait entre les bribes de souvenirs qu'il avait réussi à arracher à son ego fragmenté et les évènements plus récents qui avait secoués sa vie depuis les dernières heures. Deux hypercorporations s'intéressaient à lui, un mystérieux hacker était devenu son sauveur, une organisation occulte semblait également particulièrement concernée par sa petite personne. Au milieu de tout cela les souvenirs d'une femme, Mary, baignée de la musique de Debussy et dans le décors d'une Terre en pleine Chute semblait presque irréels. Mais qui pouvait savoir si ces derniers n'avaient pas été créés de toutes pièces par Cognite ?

Machinalement il sortit la clé de sa poche et ouvrit la porte de l'appartement. Agus, assis à la table à manger, sursauta à son entrée. John haussa un sourcil et agita la clé de l'appartement qu'il tenait toujours pour la faire voir à l'occupant.

- Tu te souviens ? "Mi casa e su casa."

Se rassurant, Agus afficha une mine soulagée.

- J'ai cru que c'était les autorités qui m'avaient retrouvé.

Tout en verrouillant la porte derrière lui, John lâcha un petit rire à la limite de la moquerie.

- Sérieusement ? Tu crois vraiment que les autorités martiennes accordent de l'importance à tes revendications ?

Renfrogné l'oxydé répondit.

- Là t'es presque blessant mon pote ! C'est pas parce que je n'ai pas l'aura d'une star de R.V. que mon travail ne compte pas.

- C'est vrai... ­–concéda John­– tu as raison, je te demande pardon. Tu as trouvé quelque chose me concernant alors ?

Agus quitta sa chaise pour rejoindre le vieux sofa qui trônait au centre de la pièce. Il s'y installa, tout en gardant un silence volontaire pour faire naître un suspens artificiel. Ce dernier ne semblait pas avoir l'effet escompté sur son visiteur qui s'était assis en face de lui et attendait patiemment.

- Si on veut... ­–lâcha-t-il laconiquement, toujours dans l'espoir de faire monter un élan dramaturge–

- Bon tu la craches ta pilule ? ­–invectiva John d'un ton teinté d'un mélange d'agacement et d'amusement–

- Ben y a une femme en ville et sur le réseau qui cherche des informations sur un mec qui se serait fait la malle de Cognite ; arrivé il y a quelques heures sur Elysium, un peu pommé avec un morphe de corpo. Elle utilise principalement les réseaux écolos.

- Les réseaux écolos ? Tu veux dire que c'est une adepte de la protection de la faune et de la flore environnante ?

Agus hocha légèrement de la tête pour désapprouver.

- Pas exactement. C'est une écologiste, certes, mais avant tout une Revendicaterre.

Devant le mutisme de son interlocuteur, l'Oxydé compris qu'il lui fallait plus de précisions.

- Les Revendicaterres sont un groupe d'écologistes qui pensent que nous devrions reprendre la Terre aux mains des TITANS. Les plus tempérés d'entre eux se contentent de manifester régulièrement pour sensibiliser l'opinion publique et les plus actif franchissent quelques fois les barrages orbitaux. Ils retournent sur notre bonne vieille planète pour faire des relevés, observer l'activité résiduelle TITANS et chercher des solutions pour regagner notre foyer d'origine. Trish, c'est comme ça qu'elle se fait appeler, est de ceux-ci.

Comme s'il n'avait pas assez de 3 antagonistes à ses trousses, voilà que green peace s'en mêlait. Il tenta de faire un lien entre tous ces groupes mais rien ne lui paraissait pertinent.

- Et toi, tu les connais ? ­–demanda-t-il à Agus–

- Qui ça ? Les Revendicaterres ? Non pas vraiment. J'ai des liens avec certains groupements écolos de par mes entrées chez les Barsoomiens, mais j'ai jamais eu à faire à ces types-là.

- Mais tu crois que tu pourrais arranger un rendez-vous avec eux ?

- Un rendez-vous ? Tu veux pas leur offrir une bière et un bon repas aussi tant que t'y es ?

- Attends... Je me dis qu'entre Cognite et Action Directe, les amis des animaux sont le moindre mal pour obtenir quelques réponses. Après je ne compte pas me rendre la bouche en cœur avec un bouquet de fleur et une limousine à ladite rencontre. –il marqua une pause– Non, pour cela je comptais plus sur toi, je l'avoue.

Agus se redressa d'un bon dans le canapé. Son étonnement se changea en incrédulité lorsqu'il se rendit compte que John ne plaisantait pas.

- Ecoute mon pote, j'ai rien contre te rendre service, mais faut bien te dire une chose : ces gars-là ils affrontent l'enfer par conviction. Ils se rendent volontairement dans un endroit ou le moindre caillou peut en fait être une machine TITANS capable de te tuer, te dépecer, te dénervé, te désosser et te hacher menu et pas forcément dans ce sens-là. Tu penses vraiment qu'ils vont être sensibles à mes charmes ?

- Non, en effet. En revanche, on peut parler un langage commun. Admettons que tu aies des informations concernant ce fuyard de Cognite. Combien penses-tu qu'elle serait en mesure d'aligner pour obtenir ladite info ? Ce que je veux dire, c'est que tu ne vas pas te présenter à eux comme étant un de mes contacts, mais comme un de leurs alliés qui peut les aider moyennant finance.

Agus se releva, fit nerveusement le tour du canapé et saisi le dossier de ce dernier comme pour se donner une contenance.

- Et je leur dis quoi ? Que je t'héberge parce que le Collectif me l'a demandé ? Que tu es amnésique et que deux hypercorporations te collent déjà aux miches ? Je leur donne mon adresse un double de ma clé ? Et après je croise les doigts et je serre les fesses ? Tu sais mon pote, je risque déjà gros là, mais moi je n'ai pas de seconde chance. Si je calanche, c'est directement en mémoire morte. J'ai pas d'assurance, pas de sauvegarde. Ma seule copie, c'est ma pile corticale. Si je me fais buter, rien n'empêche le premier gus venu de m'arracher la pile et de m'intégrer dans son grille-pain.

- Et bien moi, je n'aurais même pas cette chance... Le morphe que j'ai emprunté est équipé d'un effaceur cortical. Si je meurs, pas de retour possible. Car tu penses bien que je n'ai pas vraiment eu le loisir de contracter une assurance non plus. –John se releva à son tour et se rapprocha de son interlocuteur– Je sais que je t'en demande beaucoup, mais crois-moi si je te dis que je me sais capable de gérer la situation. Tout ce dont j'ai besoin c'est d'un point d'entrée. Je ne me souviens pas de ma vie d'avant, mais certains de mes réflexes me font penser que j'ai été formé à gérer ce genre de situation.

L'Oxydé pris une profonde inspiration et d'un air résigné repris :

- D'accord, je marche... C'est quoi le plan ?

- D'abord, je dois libérer Ibraïm. Je te l'expliquerai en route.

CAEE : Le Cycle de John 5 (Tome 1)Where stories live. Discover now