CAEE : Le Cycle de John 5 (Tome 1)

Chapitre 3 : Elysium

« L'inconnu fait peur à la plupart d'entre nous. Pourtant, à bien y réfléchir, chaque seconde, nous mène vers l'inconnu. Exister est intimement lié à la notion d'inconnu. Ainsi, avoir peur de l'inconnu n'est-ce pas une façon d'avoir peur d'exister ? »

- Suis-je réel ?

- Oui. –répondit Charlotte–

- Suis-je un homme ?

- Non.

- Ai-je plus de 30 ans ?

- Noooonnnn !

John prit une seconde pour réfléchir et poursuivit.

- Suis-je vivant ?

- Oui !

- Est-ce que je me connais, je veux dire moi, John.

La fillette afficha un sourire amusé et répondit enjouement.

- Oui !

- Suis-je Charlotte ?

- Gagné ! Six questions pour trouver c'est un nouveau record !

Il s'interrompit un instant, fixant la fillette dans les yeux.

- Tu sais ce qui m'intrigue ? Nous jouons à ce jeu depuis des heures. Je n'ai aucun problème pour me rappeler de personnalités publiques, de héros fictifs ou d'artistes. Mais dès qu'il s'agit de moi, rien... A part Mary et encore... Je sais qu'elle jouait du piano, qu'elle m'a offert une boîte à musique et qu'elle avait les mêmes yeux verts que toi. Je me souviens notre première rencontre dans ce piano bar, mais après tabula rasa.

- Je sais... pour moi c'est la même chose. Je me souviens même pas de mes parents. Enfin, si j'en ai.

- Que veux-tu dire ?

- Et si j'étais pas vraiment humaine ? J'ai pas de corps mais j'peux parler. J'aime des trucs et j'en aime pas d'autres. Je réfléchis... Est-ce que ça suffit pour faire de moi un être humain ?

Tout bien considéré, John se rendit compte que ses inquiétudes et questionnements étaient beaucoup moins préoccupants que ceux de sa jeune amie. Il aurait souhaité avoir un geste réconfortant à son égard mais leur nature même leur interdisait tout contact physique. Il se contenta alors de répéter des paroles qui lui avaient fait du bien.

- Moi je me fiche de ce que tu es. Ce n'est pas cela qui est important. Ce qui compte vraiment, c'est que tu es mon amie et que tu m'as sauvé.

La gosse qui avait vissé ses yeux au sol, releva le visage. Un sourire vint illuminer ce dernier et elle ajouta simplement.

- Merci !

Une voix résonna alors dans l'habitacle leur indiquant un compte à rebours afin d'amorcer la descente vers leur destination. La voix égrainait à présent des secondes ce qui fit monter la tension d'un cran. John, qui s'était détaché pour profiter de l'apesanteur, regagna son siège et s'harnacha solidement.

- Prêt ? –demanda Charlotte–

- Prêt !

La navette se positionna de manière optimale pour commencer son entrée dans l'atmosphère martienne et le bouclier fut déployé sur le cockpit. Le frottement, d'abord léger, s'intensifia à mesure de la descente. Rapidement une aura rougeoyante enveloppait l'appareil. A l'intérieur, le silence de l'espace avait été troqué contre un capharnaüm de vibrations et de frottements.