Chapitre 2 : Forge

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« Si la conscience de soi est ce qui fait de nous des êtres d'exception, qu'en sera-t-il le jour où autre chose aura conscience de sa propre existence ? Deviendrons-nous alors banals ? Accepterons-nous que notre errance solitaire prenne fin pour avancer à deux vers l'inconnu ? »

« Il se souvenait... Mary est une artiste. Elle joue du piano. Si beaucoup s'accordent à dire que Debussy était un génie de son époque, elle parvient à le sublimer, à transcender son œuvre. La première fois qu'il l'avait entendue jouer « Clair de Lune », c'était dans un piano bar de la Nouvelle Orléans. Son service venait de s'achever et il profitait d'un repos bien mérité après un long séjour en Afrique du Sud.

Il est assis à une table, seul, savourant son verre lorsque les premières notes cristallines se mettent à résonner dans la pièce. Son regard se pose immédiatement sur la jeune femme. Les yeux fermés, au centre de la petite scène, elle se laisse bercer par sa propre musique, oscillant doucement sur la chaise de son piano. Il reste de longues secondes à la contempler. Il sait, au fond de lui, que ce à quoi il assiste, est un privilège. Ce souvenir marquera à jamais son esprit. Alors que ses mains délicates courent sur les touches, produisant ni plus ni moins que la perfection à chaque sonorité, il se perd un instant. Les dernières notes mourantes du piano le ramènent doucement à la réalité, comme émergeant d'un songe. »

La lumière blanchâtre lui fit presque mal. Un vertige, suivit d'un mal de crâne foudroyant lui arracha un grognement. Difficilement, il tentait de faire le point mais sa vision était trouble. « Merde ! » songea-t-il. Mais alors que l'image se faisait plus nette, il comprit qu'il n'était plus au même endroit. En effet, allongé sur un lit médicalisé, il n'était plus entravé. Quelque chose enserrait sa tête, le maintenant couché. Dégageant son crâne du casque, il s'assit et constata qu'il n'était pas seul. Deux autres hommes inconscients étaient allongés à côté de lui, la tête enchâssée dans une sorte de scanner. Bien plus modeste, la pièce abritait une foule d'appareillages électroniques. Devant chacune des couchettes était disposé un coffre. De manière mal assurée, il se mit debout. Les membres ankylosés, il s'avança avec un équilibre précaire, jusqu'au sien pour en examiner le contenu ; deux armes de poings, deux holsters, un manteau et deux chargeurs. Il passa les holsters, enfila le manteau et fouilla ses poches ; vides ! Il rangea les chargeurs, emporta les armes tout en vérifiant leur amunitionnement. Ces gestes lui semblaient naturels, comme s'il les avait répétés des dizaines de fois. Il fit un dernier azimut de la pièce mais rien ne lui indiquait où il se trouvait ; aucune fenêtre, aucun bruit distinctif, aucune odeur particulière.

- « John, tu m'entends ? »

Une voix inconnue résonnait dans sa tête. « Je deviens dingue » pensa-t-il.

- « Pas du tout ! –répondit la voix– Je me nomme Epsilon. C'est moi qui t'ai fait sortir de cette simulation. Je n'ai que peu de temps. Quitte la pièce, tourne à gauche et remonte le couloir jusqu'à un sas nommé « Quai d'embarquement 3 » ! Jusqu'à nouvel ordre tu t'appelles Hatkins... Clay Hatkins. Je te suis sur mon bureau de contrôle. Je reprendrai contact avec toi une fois à destination. Ne traîne pas ! »

- Attends ! Quoi ? Mais je suis où là ? Et Charlotte, où est-elle ?

L'absence de réponse le fit souffler bruyamment. Il s'avança jusqu'à un sas. Ce dernier s'ouvrit à son approche. Avec précaution, il déboucha sur un couloir perpendiculaire qui s'étendait sur des dizaines de mètres et qui paraissait remonter en pente douce de chaque côté mais qui, au plus loin, s'inclinait presque à la verticale. Il lui était difficile de comprendre ce qu'il observait mais il prit sur lui et partit sur la gauche comme voulu par Epsilon. Il passa devant quelques autres sas sur lesquels les inscriptions : « Salle de chirurgie 2 », « Salle de chirurgie 1 » et « Laboratoire » étaient visibles. Était-ce une sorte de bunker ? Un laboratoire expérimental ? A l'approche du « Quai d'embarquement 3 », la voix de Charlotte se fit entendre.

CAEE : Le Cycle de John 5 (Tome 1)Kde žijí příběhy. Začni objevovat