Chapitre 14

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" Chacun doit réaliser qu'il ne doit pas s'accrocher au passé s'il veut avoir un quelconque futur. Chaque seconde devrait conduire à la suivante. " Joe Strummer - The clash

The void – Andy Black

     En arrivant devant ma chambre, je remarque que la porte est restée entrouverte et je m'y faufile à pas de chat. Plongée dans un profond sommeil, son visage a l'air enfin apaisé. Cela m'étonne d'ailleurs, après ce qu'elle vient de vivre je pensais que la nuit serait nettement plus compliquée. Je jette un rapide coup d'œil sur les quelques parties de son corps dévêtu pour m'assurer qu'elle n'a reçu aucun coup. Je remonte la couette jusqu'à son cou et m'assois quelques minutes à ses côtés. Tout en la regardant, je ne peux m'empêcher de repenser à ce qu'il s'est passé et à ce salaud qui a osé la toucher. Si seulement je pouvais connaître son nom à cet enfoiré... À y réfléchir, mieux vaut pour lui que je ne le sache jamais car je n'ai aucune idée de ce que je pourrais lui faire.

Ce soir j'ai failli à mon rôle, encore, et cela arrive bien trop souvent en ce moment. Putain, quand se reprendra-t-elle enfin en main ? Elle n'a même pas encore seize ans et commence vraiment à déconner. Le problème, c'est que même si je tente une discussion avec elle, elle ne m'écoutera pas : elle connaît mon passé. Et à la vue de celui-ci, je suis extrêmement mal placé pour lui faire la morale. Je tiendrai ma promesse envers elle quoi qu'il m'en coûte, je n'ai qu'une parole. Seulement, si elle continue ainsi j'ai bien peur de ne pas y arriver.

Je lui dépose un léger baiser sur le front puis sors doucement de ma chambre et me rends dans le salon. Malgré qu'il soit 4 h du matin, mon cerveau est en ébullition. Le sommeil ne viendra pas, c'est certain. J'ai besoin de me vider l'esprit, de ne pas penser à cet enfoiré et à ce qu'il aurait pu faire à Emma. C'est donc sans surprise que je me dirige vers mon piano. Bien trop tard pour jouer, mais jamais pour écrire. J'attrape la partition posée sur le pupitre et m'installe sur la table à manger. Je soulève les premières feuilles et trouve celle que je cherche. Muni de mon stylo entre mes mains, je relis les multiples ébauches de chansons, de refrains, ou de couplets que j'ai écrites mais aucune ne m'inspire ce soir.

Mes pensées divaguent alors vers Emma et notre famille. Putain de destin. Mon enfance et mon adolescence défilent en grandes lignes dans ma tête, en mode accéléré. J'ai eu mon lot de galères c'est certain, mais Emma n'a pas été épargnée non plus. Le regard fixé sur la feuille, mes yeux deviennent de plus en plus humides. Pas de tristesse non, mais de colère. Presque par pulsion, tel un besoin vital, mon stylo commence à noircir toute la feuille. Par automatisme, je fredonne en même temps que j'écris pour vérifier le rythme ainsi que la concordance des mots choisis, en anglais comme depuis toujours.

Une vingtaine de minutes s'écoulent durant lesquelles je ne lâche presque pas mon stylo. Soudain, la sonnerie de mon téléphone me fait sursauter et un message apparaît :

Julie - Aujourd'hui 4 h 42

Je viens d'arriver chez moi. J'espère qu'Emma va un peu mieux, et toi aussi... Passe une bonne nuit.

« Une bonne nuit ? » Tu parles.

Julie... Heureusement qu'elle était avec moi ce soir. Là dehors, en bas de l'immeuble, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire si elle ne m'avait pas calmé.

Je n'aime pas vraiment la tournure que commence à prendre notre relation. Cette nuit, quand elle était en train de soigner ma main en piteux état, je me suis rendu compte que je commençais à tenir à elle, un peu trop d'ailleurs. Pour ma défense, il faut avouer que c'est une très belle femme. C'est clair, c'est une fille complètement paumée qui cherche juste à surmonter ce qui vient de lui tomber dessus. D'ailleurs, je n'arrive pas à comprendre comment ce Julien et cette Agathe ont pu lui faire un truc aussi horrible. Personne ne mérite d'être traité comme ça, et certainement pas Julie.

VinceWo Geschichten leben. Entdecke jetzt