Chapitre 26

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« Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le bonheur » Nelson Mandela

Conversations in the dark – John Legend

En poussant la porte de l'appartement, je trouve Steph et Laurent qui m'attendent assis sur le canapé. Malgré ma retenue, je ne peux empêcher une larme de couler le long de ma joue. Je m'empresse de l'essuyer d'un revers de main et Steph me rejoint aussitôt :

— Désolée ma belle... Je pensais qu'il avait besoin de toi.

— Apparemment tu te trompais. Comme moi, je rajoute presque dans un murmure. C'est quoi son problème ? D'abord il vient vers moi, puis il me jette comme une merde, je dis à Steph. C'est comme s'il refusait d'être heureux.

— Il est compliqué. Mais oui, je pense que c'est plus ou moins ça. J'étais persuadée que tu réussirais à lui faire prendre conscience que lui aussi à droit à sa part de bonheur.

Nous partons nous assoir sur le canapé, et Steph continue :

— Tu te souviens de cette fameuse soirée au bar à tapas ?

Le rouge me monte aux joues en me remémorant la fin de cette soirée : j'étais tellement alcoolisée que je ne me rappelle même pas quand ni comment je suis rentrée chez moi. Je préfère faire abstraction de cette sortie. Steph le remarque et me rassure aussitôt :

— Ne t'inquiète pas, moi aussi j'ai connu des fins de soirées difficiles ! Ce que je voulais te dire, c'est qu'après que l'on t'a déposée, j'ai discuté un peu avec lui avant qu'on rentre chez nous. D'abord, je l'ai sermonné sur son comportement avec toi, dit-elle en me lançant un clin d'œil, ce qui me fait sourire. Ensuite, je lui ai dit qu'il devait surmonter sa peur et qu'il devait te laisser une petite place, et voir ce que ça pouvait donner. C'est pour ça qu'il est resté chez toi cette nuit-là. Tu sais, l'homme que tu as vu ce soir n'est pas lui. Ce qu'il a fait ou dit était dans l'unique but de te faire fuir. Il est comme ça Alex : dès qu'il voit que son monde change et que le soleil commence à pointer son nez, il envoie tout valser pour prouver à tout le monde, et aussi à lui-même, qu'il ne mérite rien de tout ça. C'est son armure.

— Pourtant il n'est pas comme ça avec vous, je rétorque.

— C'est différent. Tous les quatre, nous sommes comme une famille. Mais ça lui a demandé du temps et des efforts, crois-moi.

— Tant mieux pour vous. En ce qui me concerne, il a réussi ce qu'il voulait. Il veut que je dégage de sa vie, c'est ce que je vais faire. Je dégage, terminé.

— Je crois qu'il tient tellement à toi qu'il préfère te faire fuir plutôt que de te faire entrer dans sa vie, intervient Laurent d'une petite voix.

— Si c'est le cas, il a une drôle de façon de penser, je réponds à Laurent.

— Il a un « drôle » de passé, pense-y.

Je n'ai pas besoin que l'on me le rappelle constamment : les cicatrices sur son corps parlent d'elles-mêmes. Néanmoins, est-ce une raison valable pour ne pas vivre le présent et se comporter comme un véritable crétin ? Il a survécu. Cela devrait être suffisant pour être reconnaissant et pour profiter de la chance qu'il a ! À force de trop regarder derrière lui, son avenir sera toujours compromis. En plus, je suis certaine qu'une infime partie de lui souhaite être libérée de ce mal qui le ronge. Malheureusement, l'autre partie est bien plus féroce, bien plus tenace. Hier soir, c'est elle qui a gagné, comme à chaque fois.

Sur ces dernières paroles, Laurent nous souhaite une bonne nuit et part s'isoler dans sa chambre. La soirée fut éprouvante, et la fatigue commence également à s'emparer de moi. Je me rends dans la salle de bain afin d'enfiler mon pyjama. Dans la petite pièce, j'entends Laurent murmurer tout bas dans sa chambre. En train de téléphoner, je l'entends prononcer un tendre « je t'aime Camille ». Je souris bêtement, heureuse pour lui qu'il ait trouvé l'amour. De retour dans le salon, je découvre Steph en train de finir d'installer la couette sur un canapé-lit déjà ouvert. En la voyant, je ne peux m'empêcher de lui poser la question qui me trotte dans la tête depuis mon retour :

VinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant