Chapitre 11

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" Il faut d'abord nettoyer le passé pour avancer dans le futur " Angus Young

Thunderstuck – AC/DC

Mon téléphone me tombe des mains immédiatement. J'attrape ma tasse de café, maintenant vide, et la fracasse contre le mur en même temps qu'un cri aigu sors de ma bouche. Mes pensées s'embrouillent et je n'entends plus qu'un seul mot : enceinte.

Je me lève, me prends la tête dans les mains et marche dans l'appartement en faisant les cent pas. Sans but, sans raison. Je suis totalement perdue. D'un seul coup, un nouvel accès de rage s'empare de moi, et cette fois-ci c'est l'intégralité des objets sur la table qui se retrouvent par terre. La chaise juste à côté reçoit la même attention : je balance mon pied si fort qu'elle se retrouve propulsée à l'autre bout de la pièce et un cri strident sort de ma bouche, pour la deuxième fois en l'espace de quelques minutes. Je dois être dans une dimension parallèle, il ne peut pas en être autrement. Comment ma vie a pu à ce point partir en vrille en si peu de temps ? Je pensais naïvement qu'après l'aveu de Julien, ils ne pourraient plus me faire à nouveau de mal. Je me trompais, le coup de grâce c'est celui-là. Et il est encore plus brutal que le précédent.

Il faut que je sorte avant que l'appartement entier ne soit ravagé. J'attrape mon sac, mes écouteurs, et claque la porte avec tant de force que je suis surprise qu'elle tienne encore debout.

« Nous nous aimons », « nous avons essayé... » NOUS. C'est officiel, ils sont ensemble et seront même bientôt parents. Il y a tellement de choses que j'aimerais hurler à Agathe en cet instant. Je n'ai envie que d'une chose, c'est de prendre le premier train. Mieux, je pourrais surmonter ma peur irrationnelle de l'avion et être à l'aéroport de Marignane en quelques heures. Mais à quoi bon ? Même si mes mains ont une folle envie de faire une tendre caresse à ses joues et une belle rencontre avec son nez, je ne me rabaisserai pas à ça. Cela dit, qu'elle souhaite que je la pardonne est la chose la plus ridicule que j'ai jamais entendue. Qui le pourrait ?!

Dire que pendant ces deux années, ils ont construit une véritable relation sous mes yeux aveugles. Ce n'était pas que du sexe – bien que ce ne serait pas mieux – mais bien de l'amour. La seule personne qui les empêchait de le vivre pleinement, c'était moi. Maintenant, ils ont carte blanche et ont décidé d'y aller franco. Bande de salauds.

J'ouvre mon application de musique et AC/DC retentit dans mes oreilles si fort que j'en deviendrais presque sourde. Angus démarre un de ses légendaires solo de guitare et ma fureur s'apaise légèrement.

Cela fait maintenant presque deux heures que j'erre dans la capitale et il est hors de question que je rentre chez moi. J'ai besoin d'être à l'extérieur de mon appartement ou je vais imploser . Il commence à se faire tard et la nuit est déjà tombée depuis longtemps mais les rues sont incroyablement vivantes.

J'ai eu le temps de retourner la situation dans tous les sens et j'en suis arrivée à une seule conclusion : lors de notre déménagement, Julien savait qu'il serait bientôt père. C'est évident. J'imagine qu'Agathe le lui a appris quelques jours avant notre départ. Quand j'y repense, tous ses pleurs que j'ai bêtement pris pour moi lors de notre repas de départ étaient en fait pour Julien. Voilà la vraie raison de son départ et de notre rupture. Plus je me persuade de cette histoire, plus la colère monte en moi. Tant pis, il faut que j'en ai le cœur net. Je sors mon téléphone de ma poche arrière et appelle celui qui est maintenant nommé « connard de service » dans mon répertoire :

— Salut Julie...

Entendre la voix de l'ancien amour de ma vie toute tremblante me scie l'estomac en deux. Je prends une grande respiration, et lui dis d'une voix la plus indifférente possible :

— Je crois que des félicitations s'imposent.

— Si tu savais à quel point je m'en veux. Je suis tellement déso...

— La ferme. Pas un mot de plus. Je n'ai qu'une seule question et tu as intérêt de me dire la vérité. Tu savais qu'elle était enceinte quand nous avons emménagé à Paris ?

— C'est compliqué, comment aurais-je pu...

— RÉPONDS-MOI !

— Oui, je le savais.

Il faut que je m'assoie. Vite. J'aperçois un banc à quelques mètres devant moi et m'empresse de m'y installer avant que mes jambes ne me lâchent.

— Tu vas bien ?

— Si je vais bien ? Tu oses me demander si je vais bien ?!

Ma voix s'élève et je commence à hurler au téléphone, à tel point que plusieurs passants se retournent vers moi, curieux. Attends voir. Tu m'as trompée avec ma meilleure amie pendant deux putains d'années puis tu as décidé de la rejoindre, m'abandonnant au passage dans une ville inconnue où je ne connais personne, et j'apprends maintenant que tu l'as mise en cloque !! Alors à ton avis, Julien ? Dis-moi, tu penses que je vais comment ?

— Je suis désolé.

— Oh arrête de dire que tu es désolé, tu n'as que ce mot à la bouche. Je te souhaite plein de bonheur avec ta garce manipulatrice. Maintenant laisse-moi tranquille.

Je raccroche sans lui laisser le temps de répondre et cache mon visage entre mes mains. Je sens une larme commencer à couler sur ma joue. Je l'essuie rapidement, me pince les doigts, puis ferme les yeux. Je me concentre et ma respiration devient le centre de mon attention. Celle-ci devient plus calme à mesure que j'inspire et expire longuement. Je me le suis promis, plus une larme ne coulera.

Après un long moment, je sens que mes mains ne tremblent plus de fureur et ma respiration est revenue à la normale. Aussitôt, je reprends mon téléphone et efface le numéro de Julien. Je fais défiler mon répertoire vers le haut et tombe sur celui d'Agathe. Mon cerveau ordonne de supprimer également le sien mais mon pouce refuse. Non Julie, garder son numéro ne te mènera à rien. S'il y a une chose sur laquelle je suis bien catégorique, c'est sur le fait que je ne veux en aucun cas lui pardonner. Jamais. Pour l'instant, rien que le fait qu'elle respire me donne des envies de lui arracher la tête, enceinte ou pas, et cela risque de durer un bon moment. Après quelques secondes, j'appuie enfin sur « supprimer le contact ». Une bonne chose de faite.

Et maintenant ?

Je suis incapable de rester seule pour le moment. Après ce que je viens d'apprendre et la conversation avec Julien, c'est impossible. Désespérée, j'envoie un message à celui qui se rapproche le plus d'un ami en ce moment :

Moi - Aujourd'hui 19 h 46

Salut, c'est Julie. Tu fais quelque chose ce soir ?

Je me relève de ce banc inconfortable et commence à marcher. Après quelques mètres, j'entends une légère sonnerie m'annonçant sa réponse.

Alex - Aujourd'hui 19 h 53

Pas vraiment. Je suis chez Steph et Laurent.

Ils sont entre amis, je ne vais pas les déranger. Ils n'ont pas besoin que la pauvre Julie qui vient de se faire piétiner et qui a besoin de réconfort vienne gâcher leur soirée. Je vais devoir prendre sur moi et rentrer à la maison.

Alex - Aujourd'hui 19 h 54

19 bis avenue Emile Zola, dans le 15ème. On t'attend.

VinceWhere stories live. Discover now