Chapitre 3

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" C'est seulement quand on a tout perdu qu'on est libre de faire tout ce qu'on veut " Fight Club

Wonderwall - Oasis

Deux jours.

Cela fait maintenant deux jours que mon monde s'est écroulé et je n'en ai encore parlé à personne. Comment le pourrais-je ? Tant d'humiliation, c'est dur à encaisser...

Quant à Julien, je n'ai eu aucune nouvelle de lui. Zéro appel, zéro message. Rien. Comme si cela n'avait aucune importance à ses yeux. J'imagine que je vais le revoir à l'appartement, au moins pour qu'il récupère ses affaires. Il a d'ailleurs eu de la chance que je n'y ai pas encore touché. En revanche, je ne veux pas avoir affaire à Agathe. En tout cas, pas pour le moment. C'est au-dessus de mes forces.

Durant ces dernières quarante-huit heures, j'ai longuement hésité à retourner dans le Sud et quitter Paris. J'ai eu beau retourner la situation dans tous les sens, peser le pour et le contre, j'en suis finalement arrivée à une conclusion simple : s'installer ici fut finalement une des meilleures décisions que j'ai prise dans ma vie. Et pour cause : si nous avions refusé de venir vivre ici, je ne connaîtrais sûrement pas la vérité en ce moment. Je serais toujours emprisonnée dans une espèce de grande illusion où je ne serais qu'un pion sur un échiquier et dans laquelle Julien et Agathe joueraient dans la même équipe, attendant le moment opportun pour faire échec et mat.

Alors je préfère rester ici. C'est assurément une idée complètement folle et irresponsable. Évidemment, j'ai multiplié les envois de CV et croise les doigts pour qu'un employeur me rappelle rapidement. Mais dans le fond, qu'ai-je à perdre de plus ? Pourquoi ne pas en profiter pour tout recommencer ici, à Paris ? Qui sait, peut-être que la vie parisienne me plaira. Bon, je le reconnais, pour l'instant c'est un véritable désastre. Seulement, j'y crois : Paris sera mon nouveau départ.

Évidemment, mon cerveau n'a cessé de se demander comment il a pu être tellement aveugle. Il n'y avait aucun regard, aucune parole ambiguë... rien.

J'ai beau ressasser tout un tas de souvenirs durant ces deux dernières années, je ne vois rien qui aurait pu me mettre la puce à l'oreille.

D'ailleurs, je trouve ça incroyable que pendant un laps de temps aussi long, personne, ni même moi, n'ait rien remarqué. Comment ai-je pu être si stupide ? Quand je pense à tout ce que j'ai vécu avec Agathe, à tous les projets que j'avais avec Julien... J'ai envie de vomir. Et j'ai envie de meurtre. Oui, l'idée du couteau dans la cuisine ne m'a toujours pas quittée. Il faut le reconnaître, ils sont tous les deux très forts et ont gagné la partie haut la main. Qu'est-ce qu'on dit déjà, mieux vaut être seule que mal accompagnée, non ? Putain de vie.

J'ai besoin de me changer les idées. Mon esprit et mon cœur ont tellement été bousillés par toute cette histoire que j'ai besoin de sortir pour relâcher toute cette pression, même seule. J'ai donc choisi de me rendre dans un pub situé dans ma rue. C'est vrai, j'aurais pu aller un peu plus loin dans la découverte du quartier, ou même de la ville, mais pour moi c'est déjà un bon début. La campagnarde qui se retrouve seule dans une capitale grouillant d'habitants, qui l'eût cru !

La salle, décorée majoritairement avec des meubles en bois brut, est bondée de clients. Dans le fond, un groupe d'une dizaine de personnes occupe plusieurs tables et la plupart des autres places ont été prises d'assaut. Je balaye rapidement le pub du regard et me stoppe lorsque je tombe sur un jeune couple en train de siroter deux bières. L'homme, un rouquin plutôt séduisant, attrape la main de sa petite amie puis l'embrasse tendrement. Je détourne aussitôt les yeux, maudissant Julien pour la énième fois, et me rapproche du comptoir trônant en plein milieu de la pièce. L'immense bar en bois est éclairé uniquement grâce aux nombreuses loupiotes dans les tons rouges et ocres installées au plafond. L'éclairage sobre et tamisé donne une ambiance extrêmement chaleureuse.

VinceWhere stories live. Discover now