Le dernier jour. Troisième partie - Xilena

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C'était ma dernière chance. Comme on dit : ça passe où ça casse.

J'étais montée à l'étage pour me cacher, avoir un peu de paix. Je ne voulais pas qu'on me le dise si j'avais encore une fois mal choisi mes mots. Je préférais avoir ma propre culpabilité en cas d'échec.

Je sais, c'est bizarre. J'étais peut-être à la fois trop fière, et trop honteuse pour recourir à de l'aide.

Aussitôt le vœu prononcé, j'avais dévalé les marches, alors que je venais seulement de les monter, et avais foncé vers le placard qui nous servait de porte de sortie. J'avais à peine remarqué les trois autres, toujours installés à leurs places au salon, à m'observer en silence. Déjà, j'étais de retour dans le bus, debout au milieu de l'allée. Je m'étais laissé tomber dans le premier banc, juste derrière Jack le vieux chauffeur. Il m'avait accordé un sourire depuis le rétroviseur, les yeux rivés sur la route.

— Où je te conduis, petite dame ?

— Chez moi.

— Tu peux me donner une adresse plus précise ?

J'avais souri. Un peu malgré moi, parce que ce n'était pas de joie, ni parce que c'était drôle. C'était peut-être une sorte de choc intérieur. Tous au long de la semaine, Jack nous avait conduits dans un sens et de l'autre de la ville. En ce qui concerne Peter, Amy et Théo, c'était presque toujours en allant ou en revenant de chez eux... Sauf moi, car j'évitais la maison. Mais cette fois, j'avais fini de fuir.

En même temps, je n'avais plus trop le choix.

Maintenant où jamais, Xi. Et certainement pas jamais.

Alors, je lui avais donné l'adresse exacte. Malgré tous les stops que Jack avait dû faire en chemin pour ses autres clients, il lui fallut une bonne demi-heure pour me conduire à destination.

Et là, j'étais devant la maison, me demandant vaguement si je devais utiliser ma clé, ou si je devais cogner. Ça devait faire près de quatre jours que je n'étais pas entrer ici. Je n'avais même plus l'impression que c'était chez moi.

Je regardai l'heure sur mon téléphone. C'était encore l'avant-midi. J'aurais pu être en ce moment sur une ile déserte à me prélasser au soleil. Au lieu de quoi, je préparais une confrontation avec mon père... une de plus.

Je me demandais vaguement si les autres allaient m'attendre avant de faire apparaître l'ile. À quoi bon ? Je les rejoindrais plus tard, de toute façon. Mais je leur avais dit de m'attendre. C'était sorti machinalement, ils n'avaient pas à le faire. Mais la simple idée qu'ils m'aient obéi, qu'ils se tournaient les pouces dans le salon du monde d'à côté, me donna la force d'en finir au plus vite.

J'utilisai ma clé. J'entrai dans la maison. Je refermai la porte derrière moi, lentement, comme par peur de déranger le calme ambiant.

— Hé, ho ? Maman, papa ?

Une semi-pénombre régnait dans le salon. Les rideaux étaient tirés, les lumières éteintes. Le ventilateur au plafond tournait à plein régime, me propulsant de l'air froid dans la nuque. Je fis encore quelque pas dans la pièce. Peut-être qu'ils n'y avaient personne. Peut-être qu'ils travaillaient tous les deux. Peut-être que j'avais fait tout ce chemin et retardé mes amis pour rien.

— Xilena, c'est toi ?

La voix de mon père. Je déglutis difficilement, puis secouai la tête pour retrouver un peu de courage. J'étais ridicule d'avoir peur de lui. Du moins, j'essayai de m'en convaincre.

— Oui, répondis-je simplement.

— Je suis dans la cuisine. Viens ici, il faut que je te parle.

Le monde d'à côtéWhere stories live. Discover now