Quelques explications confuses pour un peu de suspense Deuxième partie - Xilena

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Je n'aimais pas réviser, mais avec mes parents, j'étais un peu obligée. Vous ne me verrez jamais prêter attention plus que nécessaire à quelque chose qui n'avait strictement aucun lien avec mes résultats scolaire. Alors quand j'arrivai chez moi avec ce carnet noir qui sentait le vieux moisi, mais parents n'eurent aucune réaction. Ils durent croire que c'était une version originale d'un auteur du XIXe que nous étudions en français, ou quelque chose dans le genre. Je n'imaginais pas le prix que devrait valoir un tel livre, mais ils ne savaient pas penser aussi loin.

À la maison, tout était à sa place. Il n'y avait plus aucune trace du bordel que j'avais semé un peu plus tôt en cherchant mes notes d'anglais. Soit ma mère avait tout rangé sans même réaliser que c'était ma faute, soit c'était une preuve en plus que le désordre avait été fait dans une autre dimension. Mine de rien, je m'avançai dans le salon et m'assis sur le canapé, en face de la télévision qui diffusait un vieux film de cowboy. Mon père était étendu dans le fauteuil alors que ma mère était dans la cuisine, préparant quelque chose à grignoter.

— J'avais pas laissé des feuilles de cours, là ? dis-je en pointant la table basse.

— Non, il n'y avait rien quand je suis arrivée, dit mon père dans un vague haussement d'épaules.

— Et t'es arrivé quand ? Avant ou après maman ?

— Avant. Tu les as peut-être rangées dans ta chambre ?

Je hochai la tête, peu convaincue, avant de prendre cette direction. Ça s'était définitivement passé dans une autre dimension. Ou... dans un autre état de conscience.

J'avais vraiment hâte d'être à demain pour retrouver les autres et m'assurer que ce n'était pas un rêve. Pour l'instant, tout ce que j'avais pour m'en persuader, c'était ce livre.

Je m'allongeai sur le lit, allumai ma lampe de chevet, et me penchai sur le bouquin. Je le feuilletai rapidement, du début à la fin, et les pages dégagèrent une odeur rance d'humidité, me faisant grimacer puis éternuer. Écœurée, je revins à la première page et commençai ma lecture.

҉

J'avais tout lu d'une traite, sans faire la moindre pause. Résultat, j'avais dormi à peine une heure cette nuit, et je m'étais assoupie dans le bus qui devait me mener à l'école. Au moins, c'était un bus scolaire parfaitement banal, et je ne croisais la route d'aucun portail inter dimensionnel sur mon chemin.

Dans les corridors, je marchais lentement, la tête baissée. J'étais si épuisée que j'avais oublié de me brosser les cheveux ce matin, et ils se hérissaient de statiques et me donnaient des chocs électriques dès que je touchais du métal.

La journée sera longue...

— Xilena !

Je levai des yeux torves vers la foule d'élèves qui m'entourait. Au loin, se frayant un passage à coup de coude, Maya venait vers moi. Je souris en apercevant ma petite blonde préférée, mais elle, au contraire, perdit momentanément de sa joie de vivre en me voyant.

— Qu'est-ce que t'as ? En dirait que t'as pas dormi de la nuit ! (Elle se pencha vers moi pour chuchoter :) C'est encore ton père, c'est ça ?

— Aucun rapport avec mon père, dis-je en secouant la tête. C'est juste que... je me suis trouvée une lecture passionnante et j'ai pas su la lâcher avant la fin.

— Oh, s'étonna-t-elle en se redressant. C'était quoi ?

— Une histoire, heu... très fantastique, dis-je vaguement.

— Et le titre ? Tu me rends curieuse.

— Harry Potter.

Maya plissa les yeux, me scrutant attentivement.

— Impossible que t'ai pas déjà lu Harry Potter avant.

— C'était il y a très longtemps et j'avais oublié plein de détail !

J'ouvris mon casier pour y prendre mes livres pour le prochain cours, évitant par la même occasion le regard inquisiteur de ma meilleure amie.

— Quel tome ?

— Trois, répondis-je spontanément.

Elle hocha la tête, comme si ce détail était suffisant pour la convaincre. Je refermai mon casier et la porte de métal me donna un nouveau choc, me faisant sursauter. Je me retournai pour observer les gens près de nous. Aucun ne semblait nous prêter attention.

— T'as l'air à cran.

— Parce que j'ai pas beaucoup dormi, je te dis. C'est la seule raison.

Parmi la foule, un visage familier attira mon regard. Peter et l'un de ses amis passèrent près de moi sans me remarquer. Avec plein de subtilités, je m'avançai au même moment, et nos épaules se cognèrent l'une contre l'autre. J'en profitai pour « échapper » le carnet, qui rebondit mollement en s'ouvrant en son centre.

— Oh, mince ! Désolé, Xilena, je t'avais pas vue.

— Pas de problème. Attends, tu as fait tomber quelque chose...

Je me penchai pour ramasser le livre et le lui tendis. Peter haussa les sourcils bien haut, puis un subtil sourire étira ses lèvres.

— Merci, répondit-il en rougissant. Tu as lu ?

— Non.

Je lui fis un clin d'œil pour qu'il comprenne bien le contraire — il y avait trop de gens qui risquaient de trouver la scène louche. Peter hocha la tête d'un air entendu, puis me salua de la main et continua son chemin, glissant le carnet dans son sac à dos.

— Oh, je ship ! s'exclama Maya en éclatant de rire.

Quoi ?!

— Je teste tes compétences en anglais, se rattrapa-t-elle aussitôt. J'ai dit que j'allais faire une balade en bateau.

— C'est pas du tout ce que tu as dit. D'ailleurs, « oh, je vaisseau ! » ne fait aucun sens. Je boat, plutôt...

— Laisse tomber, soupira Maya d'une voix trainante. T'es trop nulle.

Je pouffai de rire, déjà un peu plus réveillée. Agacer Maya avec des jeux de mots pourris était l'une de mes activités préférées.

— C'était quand même mignon, toi et Peter.

— Dans tes rêves ! Je lui ai juste passé le livre !

— Passé le livre ? répéta-t-elle d'un air énigmatique.

— Rendu son livre. Celui qu'il avait échappé.

Maya me fit encore un clin d'œil — visiblement, elle s'imaginait des choses vraiment étranges. J'eus envie de dire quelque chose, mais je me retins — il valait mieux attendre avant de mettre en application ce que j'avais lu cette nuit. Pourtant, j'étais sure que ça aurait pu régler un problème.

Hier soir, j'avais hâte de retourner à l'école pour voir les autres. Mais maintenant, j'avais encore plus hâte que les cours se terminent pour pouvoir leur parler librement. Ici, nous avions tous nos groupes d'amis qui risquaient de trouver trop étrange qu'on se mette tous ensemble. À commencer par Théo et Peter dans la même pièce, c'était le bordel assuré. Ensuite Amy la populaire, qui allait — malgré elle ou non — déclencher toutes sortes de ragots. Et moi, la timide qui se mêle rarement aux autres. Il y avait de quoi attirer des questionnements, et je préférai éviter.

Il fallait attendre... encore et toujours.

Maya et moi allâmes vers le premier cours de la matinée, le français. Le début d'une longue journée commençait, et je me devais de passer au travers. Mais pour la première fois, je n'écoutais pas ce que racontait le professeur. J'observais Peter avec un petit sourire en coin.

Il lisait un livre, sourcils froncés et la bouche entrouverte de perplexité. Je savais que derrière la reliure du simple roman de fiction se cachait l'autre livre.

En reportant mon attention au-devant de la classe, mon regard accrocha, l'espace d'une seconde, celui de Théo et Amy, tous deux au fond de la pièce. Malgré leur mine sérieuse, je savais qu'ils pensaient la même chose que moi.

Le monde d'à côtéWhere stories live. Discover now