... et celui d'à côté. Troisième partie - Xilena

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J'étais en pleine crise d'angoisse. J'avais retourné toute ma chambre, fichu un bordel sans nom dans pratiquement toute la maison. Mais pas à faire, mes notes de cours avaient disparu. Tous les papiers et livres que j'avais su trouver étaient complètement vierges. C'était un cauchemar.

J'avais même pensé à demander de l'aide à ma mère. C'était connu, les mamans savaient toujours tout retrouver. Mais moi-même avais été incapable de la trouver, elle.

En faisant les cent pas autour de la table basse du salon, je m'étais souvenue de Maya, ma meilleure amie qui avait essayé de m'empêcher d'étudier. Et si elle avait caché mes notes juste avant que je sorte du restaurant ?

Non. Je les avais avec moi, dans le bus. Je me rappelais parfaitement être en train de les lire quand nous étions entrés en collision avec un lampadaire, alors que Peter hurlait pour sa vie. Ce petit gros avait les nerfs fragiles, il était toujours harcelé par Théo et sa bande, mais cette fois, il avait surréagi.

Et le chauffeur ! Le pauvre chauffeur, il en avait pété un câble. Ce discours bizarre qu'il avait fait, quand nous avions traversé le rosier...

Je m'arrêtai de tourner, perdue dans mes pensées. Avions-nous vraiment traversé un rosier ? Plus j'essayai de me convaincre que ce n'était qu'une hallucination, moins j'y croyais. Oui, nous avions fait un accident, mais c'était minime. Il y avait eu plus de peur que de mal, juste de quoi cabosser le capot. Je ne m'étais pas cogné la tête, je me savais maître de mon esprit.

Et si mes notes sont quelque part, c'est forcément là. Soit dans le bus, soit dans le parc.

Je n'avais pas envie d'y retourner, mais le besoin d'étudier était plus fort que tout. Je regardai longuement le salon, qui était dans un terrible bordel. Mes parents vont me tuer quand ils vont voir ça ! En me mordant la lèvre, je fis un tour rapide pour ramasser tous les livres et feuilles de papier - toutes complètement vides - et les cachai dans une armoire avant de sortir précipitamment de la maison. Pour en finir le plus vite possible, je courus jusqu'au parc et y arrivai en trois minutes, à bout de souffle. Je n'avais pas l'habitude de faire de l'activité physique.

Enfin à destination, je m'arrêtai, prenant le temps de respirer. Des enfants jouaient encore dans le parc, des adultes les surveillaient. Et le bus était toujours là, en haut de la pente, encastrée dans le lampadaire. Rien n'avait bougé d'un poil.

Un peu nerveuse, j'allai jusqu'au rosier, regardant partout à la recherche de mes notes. Il n'y avait pratiquement aucun vent, donc très peu de chance qu'elles se soient envolées. Je m'assis sur le banc, le temps de réfléchir.

- Xilena !

Je levai la tête, étonnée, et vis Peter et Amy venir vers moi. C'était plutôt étrange comme vision : la jolie blonde populaire et le petit gros de service, en toute complicité.

- Toi aussi, t'as remarqué qu'il y a un truc bizarre ? fit Peter, qui observait les enfants d'un œil noir.

- Eh... non. Quel truc bizarre ?

- Il croit que l'apocalypse a commencé, répondit Amy en roulant les yeux et balançant ses cheveux derrière son dos. Théo l'a seulement frappé trop fort et il veut pas l'admettre.

- C'est pas vrai, d'abord !

- C'est exactement ce que tu as dit !

Peter ouvrit la bouche pour argumenter, mais soupira en secouant la tête.

- Certes, je l'ai dit, mais j'exagérais un peu. Je pense pas vraiment que l'apocalypse ait commencé. Je dis juste qu'il y a quelque chose de bizarre ! Et tu le penses aussi, puisque tu m'as suivi jusqu'ici. Et Xilena aussi, si elle est là ! ajouta-t-il en levant la main vers moi. Pas vrai ?

- J'ai seulement perdu mes notes, spécifiai-je.

Peter fronça les sourcils, comme si je venais de l'insulter profondément, puis s'assit à côté de moi sur l'autre moitié du banc pour observer les gens dans le parc. Il garda le silence un long moment, avant de reprendre la parole :

- Vous ne trouvez pas que ces enfants ressemblent à des robots ?

- Quand je te dis que Théo l'a frappé trop fort, dit Amy en secouant la tête d'un air désolé.

Je me cachai la bouche derrière ma main pour pouffer de rire, mais Peter resta toujours aussi stoïque, comme s'il n'avait rien entendu.

- Je suis sérieux. Regardez ça ! Ils marchent d'un toboggan à l'autre, se prêtent les jouets sans chialer... aucun cri... Enfin, vous avez déjà vu à quoi ça ressemble, des enfants dans un parc ? Ça court et ça saute partout, on dirait des petits singes !

- Peut-être qu'ils sont bien élevés, fit Amy.

- Tu m'énerves !

Ils continuèrent à se disputer de plus en plus fort, tels des frères et sœurs. J'avais une petite impression que, si une amitié improbable s'était mise à germer entre ces deux-là, elle n'aurait pas fait long feu. Me désintéressant de la conversation, je recommençai à observer partout à la recherche de mes notes de cours. Un reflet blanc attira mon regard ; au pied d'un arbre, une liasse de papier relier entre eux par une agrafe s'agitait lentement par le vent. Je me levai aussitôt et courus pour les attraper avant que la brise ne les emporte. Je soufflai de soulagement en voyant les textes en anglais.

Alors que je feuilletais le paquet, m'assurant qu'aucune page n'était manquante, j'aperçus du coin de l'œil Amy venir vers moi, l'air mal à l'aise.

- Tu as trouvé ce que tu cherchais ?

Je lui montrai victorieusement mes notes avant de recommencer à vérifier qu'elles étaient toutes là. Peter s'approcha à son tour, la bouche tordue en un mélange de sourire heureux et de profond malaise.

- C'est vraiment bizarre, avoua Amy en triturant les manches de son blouson rouge. Chez moi, tout ce que j'essayais de lire... n'avait aucun mot.

- Comment peux-tu lire s'il n'y a pas de mot ? fis-je sans rien comprendre de son discours.

- Les livres étaient vides.

Je haussai un sourcil, étonnée, avant de décrocher mon regard de mes notes pour le poser sur la blonde. Elle semblait blasée, comme si elle avait donné les points à Peter. Elle était autant convaincue que lui qu'il y avait quelque chose de bizarre... comme des livres vides.

- J'avoue que c'est... peu commun, dis-je lentement.

- Et toi, tu n'as rien remarqué d'inhabituel ? demanda Peter avec espoir.

Je secouai la tête, à court d'idées, avant qu'un détail ne me revienne à l'esprit.

- C'est vrai qu'en cherchant mes notes, tout à l'heure, tout ce que j'avais su trouver était vide. Il n'y avait pas de mot, dis-je en levant les yeux vers Amy. Sur le coup, je n'avais pas trop réfléchi, je croyais juste que c'était des feuilles blanches bien banales... mais maintenant que j'y pense, pourquoi j'aurais glissé des feuilles blanches dans un livre vide ?

- Et tes parents, ils étaient chez toi ?

- Non...

- En dehors de nous trois, et de ces enfants robots aux parents robots là-bas, tu as croisé quelqu'un, depuis ?

- Non... bah, ouais, Théo.

Le sourire de Peter disparut d'un seul coup. Il soupira longuement et retourna s'assoir sur le banc près du rosier. Je le suivis un peu malgré moi, talonnée par Amy.

- Dans ce cas, il faut attendre. L'autre abruti finira bien par se pointer, si ma théorie est bonne.

- Quelle théorie ?

Peter leva les yeux vers moi, sérieux. Il m'était impossible de déterminer s'il était heureux ou désespéré.

- Tu verras bien.

Le monde d'à côtéWhere stories live. Discover now