Les conséquences. Dernière partie - Xilena

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Mes souvenirs passaient d'un extrême à l'autre. Une seconde, j'étais coincée par une bande de djinns et de chiens qui parlent, et la suivante, j'étais étendue confortablement dans mon lit, à baver sur l'oreiller. Est-ce que c'était un rêve ? Je ne m'étais jamais doutée avoir une imagination aussi fertile. Mais en tournant la tête à droite, la réalité me parut évidente quand je vis, à côté de moi, une lettre signée Branda. Je me redressai rapidement pour la lire.

Ce n'était pas un rêve. Et nous avions mis Branda en colère. Est-ce que je me risquerais vraiment à retourner dans le monde d'à côté ? Vite fait, je dirais non. Mais Théo ? Je ne savais pas ce qui lui était arrivé, mais à en croire le message, il était dans de beaux draps.

Je pris une grande inspiration, passai une main dans mes cheveux emmêlés et grimaçai en rencontrant un nœud, puis quittai du lit. Tant qu'à ne pas savoir quoi faire, aussi bien rester dans la routine et aller à l'école...

Je me choisis rapidement quelques vêtements, puis m'enfermai dans la salle de bain. En y ressortant cinq minutes plus tard, je tombai face à face avec mon père. Je déglutis en m'appuyant contre la porte derrière moi, soudain nerveuse. Mon père, il était très grand et — j'en étais parfaitement consciente — très fort. Certains s'en vantent, mais moi, ça m'angoissait.

— Qu'est-ce que tu fais ici, Xilena ? Tu n'es pas à l'école ?

Je secouai lentement la tête, à court de mots. Peu importe ce que je vais dire, il sera en colère. Et quand il est en colère... Non, me repris-je aussitôt, il ne peut plus me toucher. C'est l'occasion de s'affirmer.

Si j'avais eu le cran d'entrer dans une tour pleine de djinns, affronter mon père ne devrait pas me poser problème. Et pourtant...

— J'y vais, maintenant, dis-je en détournant le regard.

Je tentai de passer, mais me bloqua la route, sa main à plat contre le mur. Son bras était à la hauteur de mes yeux, à dix centimètres.

— Est-ce que tu fais exprès de m'énerver ? dit-il d'un air outré.

Je pris une grande inspiration, essayant de garder mon calme.

— Réponds-moi quand je te parle.

— Et toi, répliquai-je soudain en lui faisant face. Est-ce que tu fais exprès de t'énerver alors que je n'ai absolument rien fait ? J'ai pas traversé cette journée pour aboutir à ça ! dis-je en enfonçant mon doigt dans sa poitrine.

Papa demeura abasourdi, tout autant que je l'étais. Les mots étaient sortis sans ma permission, et pendant une seconde, je fus fière de mon culot. Rien qu'une seconde.

Il serra le poing et me le présenta, à un petit centimètre de mon nez. Son visage était rouge et brillant de sueur, comme quoi le seul effort d'être si près de moi était trop pour lui. Finalement, il recula d'un pas, me pointa d'un doigt menaçant qui voulait tout dire, puis tourna les talons et alla vers la cuisine.

Je m'appuyai contre la porte et baissai la tête pour souffler. La peur m'avait compressé la gorge, j'étais sure pendant un instant qu'il allait réussir à contourner le vœu. Je pris un moment pour me remettre de l'émotion, puis allai vers l'entrée. Je me penchai pour enfiler mes souliers, et c'est alors qu'une douleur vive me pinça le dos. Je trébuchai et m'affalai sur le tapis, me mordant la lèvre au passage. Je me retournai à temps pour voir mon père brandir son arme : un rouleau à pâtisserie. Il le tenait au-dessus de son épaule, comme une batte de baseball.

— Ne t'avise plus jamais de me parler sur ce ton, jeune fille !

Il chargea à nouveau, mais je l'évitai de justesse en roulant de côté. Je me redressai, lui faisant face. Il était dans une colère telle que je ne l'avais jamais vu.

Le monde d'à côtéWhere stories live. Discover now