Le monde sans distraction. Première partie - Théo

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La terrible souffrance que j'avais éprouvée hier n'avait pas duré. Au soir, je me sentais déjà mieux. Et le lendemain matin, j'étais prêt à courir un marathon. Enfin, disons un dixième de marathon, s'il fallait prendre mon endurance en considération.

J'avais tellement l'impression que nous étions lundi. Mais au risque d'avoir l'air fou, j'avais laissé les questions bizarres de côté et je me contentais de hocher la tête quand on me répondait que nous étions jeudi. Mais alors, où est-ce que j'étais passé, pendant tout ce temps ? Une migraine se pointait dès que je me penchais un peu trop sur le problème, et je j'abandonnai rapidement la cause. Ça me faisait mal de l'avouer, mais il fallait regarder les choses en face ; j'étais en train de perdre une case.

Malgré tout, je décidai d'aller à l'école, principalement pour changer d'air. J'en avais atrocement besoin.

Je m'étais préparé avec une infinie lenteur, l'idée d'arriver en retard me passant loin au-dessus de la tête. Le premier cours de la journée était déjà commencé quand je sortis enfin dehors, sur mon balcon. Je restai là une seconde à regarder autour de moi ; plus de bouquet de fleurs, comme il y en avait plein dimanche.

— Oh, Théo ! Te revoilà !

Je levai à nouveau la tête, étonné. Mes trois amis étaient aux pieds des marches, les mains dans les poches. On aurait dit qu'ils m'attendaient depuis une éternité et que l'impatience s'était emparée d'eux. Leurs sourires étaient crispés, tentant de cacher, sans grand succès, leurs mauvaises humeurs.

— Vous m'attendiez ?

— Oui, pardi. Qu'est-ce qui t'a pris tout ce temps ? demanda Mike, plus inquiet que furieux.

— Je savais pas que vous m'attendiez...

— C'est pas comme si on le faisait tous les jours depuis le début de la semaine, dit cette fois Baptiste. D'ailleurs, tu étais où, hier ?

— On dirait que tu nous évites, dit Sam d'un ton timide. Tu peux le dire, si on est trop collant. On essaie seulement de t'aider.

Je ne répondis rien immédiatement, me contentant de sourire. Est-ce qu'ils étaient trop collants ? Où est-ce que j'étais, hier ? Je n'en avais pas la moindre idée !

— Ça va, dis-je simplement. Je suis juste un peu... perdu.

Je me donnais un petit coup de jointure contre la tempe. Le message dû passer, car plus personne n'osa ajouter quoi que ce soit, et c'était parfait. Je descendis enfin le balcon, enfonçai mes mains dans les poches de mon jean troué, et parti en direction de l'école, qui n'était pas trop loin. Baptiste, Mike et Sam se précipitèrent à ma suite.

— Sinon, ils te voulaient quoi, les trois clowns ? demanda Sam. Vraiment désolé, hein, ils... ils nous ont soutiré ton adresse par la force. Je te jure ! La petite Chinoise, elle m'avait foutu un coup de genou dans les boules !

— Xilena ? riais-je me tournant vers lui. Quoi, elle sait faire autre chose de sa vie qu'étudier ?

— On est autant surpris que toi, fit Mike en hochant la tête.

— Et Amy aussi, elle s'est attaquée à moi ! ajouta Baptiste. Et c'était pour protéger Peter. Je te jure, c'était tellement bizarre... Et en plus, c'était lui-même qui était venu à nous, il voulait se faire tabasser !

Je pouffai de rire en imaginant la scène. Enfin... Xilena, Amy et Peter. Le groupe d'amis le plus improbable du siècle.

— J'ai rien compris de ce qu'ils voulaient... s'excuser d'un truc... (je secouai la tête et haussai les épaules.) Je crois qu'ils avaient fumé quelque chose. J'en suis même convaincu. Je vois pas d'autres explications.

Le monde d'à côtéWhere stories live. Discover now