Quelques explications confuses pour un peu de suspense. Première partie - Peter

164 38 211
                                    

Mes craintes se confirmèrent quand j'aperçus Théo venir vers nous, tête basse et les mains dans les poches. Il traversa l'air de jeu et envoya un coup de coude à un enfant qui était passé un peu trop près. Le petit garçon fit un bon de côté pour s'éloigner, puis retourna à ses occupations comme si de rien n'était.

Ce sont tous des robots.

— Hé, Péteur, fit Théo avec une grimace. Donne-moi l'heure.

— Ça te tuerait d'être poli ? s'exclama Xilena sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit.

— Oui. Donne-moi l'heure, s'il te plait merci.

Je plissai les yeux, un peu perdus. Est-ce que c'était un aveu camouflé de son envie de mourir ? Théo avait toujours eu un sens de l'humour particulièrement noir, et parfois, il était tout bonnement impossible de savoir s'il était sérieux ou non. Mais je préférai laisser couler, ne voulant pas attiser sa mauvaise humeur. Mon nez en souffrait encore.

Je baissai les yeux vers la montre à mon poignet. C'était une fitbit, pour compter mes pas et mes calories, mais c'était surtout un vieux modèle avec une autonomie de batterie ridicule. L'écran refusa de s'allumer, alors même que je la tapotai comme un fou avec le bout de mon ongle.

— La batterie est morte, dis-je honteusement. Pourtant je l'ai rechargée hier... Elle me dure habituellement cinq ou six jours.

Théo poussa un long soupir théâtral, posa ses mains au-dessus de sa tête, puis tourna sur lui-même en regardant dans toutes les directions. Il revint à nous dix secondes plus tard pour nous dévisager tour à tour, Amy, Xilena et moi, tous serrés sur le banc.

— Vous avez remarqué des trucs étranges, vous aussi, hein ? C'est pour ça que vous êtes là.

— Ouais, comme des gens qui disparaissent ? dis-je en croisant les bras — ça me donnait un air décontracté, mais en réalité, j'essayais surtout de me protéger.

— Et la bouffe immangeable, continua Amy.

Théo se tourna vers Xilena, s'imaginant peut-être qu'elle allait en ajouter une couche, mais elle nous ignorait déjà, plongée dans ses notes. Théo soupira, s'approcha du banc comme pour s'assoir à son tour, mais réalisa par la suite qu'il n'y avait plus de place. Sans attendre qu'il m'empoigne par l'épaule et me vire avec un coup de pied dans le derrière — parce que je savais que c'était ce qu'il se préparait à faire —, je me levai d'un bon et m'éloignai de plusieurs pas. Théo s'installa sans un merci et étira ses longues jambes devant lui.

— Vous avez revu le champ, aussi ?

Un silence accompagna sa question. Xilena releva le nez de ses papiers pour échanger un regard avec Amy. Théo tourna la tête vers moi, un sourcil plus haut que l'autre.

— Oui ? Non ? Hé, vous me prenez pas pour un fou, j'espère !

— Non, non ! m'écriai-je aussitôt, apeuré par la connotation menaçante de sa voix. Mais je suppose qu'on a tous vu des choses différentes... Enfin, tous sauf Xi.

— On n'est pas ami, t'as pas à m'appeler « Xi », fit Xilena en recommençant à lire ses notes.

Théo éclata de rire alors que je restais parfaitement sérieux, les poings serrés. Que Théo se moque de moi, ça va, j'ai l'habitude. Mais Xilena aussi ? Et Amy qui ne réagissait même pas, occuper à se dessiner dans la main avec un feutre rose. Qu'est-ce que je fous avec cette bande de crétins ?!

Frustré, je tournai les talons et m'éloignai vers la pente.

— Eh, bouboule, sois pas vexé ! s'exclama Théo. Faut pas nous en vouloir ; on croyait que t'étais déjà conscient d'être nul !

Le monde d'à côtéWhere stories live. Discover now