Le gros souhait. Deuxième partie - Xilena

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Je n'avais qu'une hâte : aller dans le monde d'à côté. Et visiblement, il y en avait un qui n'avait pas su attendre la fin de la journée scolaire pour s'y rendre. Je regardai avec un mélange de frustration et de jalousie le pupitre vide de Théo, me rongeant les ongles avec angoisse. Quitte à être isolée avec Théo, j'aurais tout de même préféré, et de loin, être avec lui qu'ici, à passer un test d'anglais. Avant, j'aurais étudié sans relâche pour ce test, mais maintenant que je savais qu'il me suffisait d'un vœu pour éviter la colère de mon père, je n'en ressentais plus aucun intérêt. Depuis hier, en rentrant de l'autre monde, je n'avais pas ouvert mon livre de note une seule fois. Je crois même que je l'avais oublié chez moi, ce matin.

À quoi bon ? Si je pouvais rester dans la moyenne jusqu'à la fin de l'année, je serais tout de même parmi les meilleurs de la classe. Et si j'arrêtais d'étudier plus que de nécessaire, ça me laissait tellement plus de temps libre pour faire à peu près n'importe quoi ! Et littéralement n'importe quoi, grâce à l'infinie possibilité que me procurait le monde d'à côté. Tout ce qui me freinait, pour l'instant, était l'inspiration. Je cherchais encore le meilleur vœu, parce que c'était dit clairement dans le livre : si on pouvait en faire autant qu'on voulait, il y avait tout de même les « gros souhaits », ceux qui alternaient complètement l'apparence du monde, dont nous ne pouvions faire qu'une fois par jour. Et si nous étions quatre, alors c'était, techniquement, une fois aux quatre jours.

Je me rongeai les ongles jusqu'au sang, la douleur me faisant grimacer. Nous avions totalement oublié de dire cette règle à Théo ! D'un coup, j'avais beaucoup moins envie d'aller à côté pour l'instant. À quoi ça ressemblera, là-bas ? À un énorme concert de rock ? Connaissant les gouts musicaux de Théo, c'était bien possible.

Quelqu'un frappa de son poing sur mon bureau et je sursautai, brutalement ramenée au moment présent. La prof était juste en face de moi, l'air presque sévère. C'était la première fois que je me récoltais ce genre de regard de la part d'un enseignant et l'angoisse remonta en force.

— Xilena, il ne te reste plus de quinze minutes pour terminer le test et tu n'as encore rien écrit.

Je baissai les yeux sur la feuille et remarquai qu'elle avait raison. J'étais tellement perdue dans mes pensées que je n'avais répondu à aucune question, je n'avais même pas inscrit mon nom dans le coin à droite. Je sentis mon cœur rater un battement et ma bouche s'allonger, comme dans les dessins animés.

— Je suis désolée ! m'écriai-je aussitôt. J'étais...

Je m'interrompis, cherchant une explication plausible n'impliquant pas la magie d'un monde parallèle. La prof leva une main pour me signifier qu'il était inutile d'en rajouter une couche, puis elle se pencha légèrement vers moi et baissa d'un ton, essayant de ne pas déranger les autres élèves qui suivaient tout ce qu'elle disait. Je voyais du coin de l'œil ma meilleure amie Maya qui me fixait avec inquiétude, et même Amy et Peter qui semblaient tristes pour moi. J'en avais presque oublié que je leur avais raconté mon secret.

— Est-ce que tout va bien pour toi ?

— Bien sûr que oui, m'offusquai-je, sentant mes joues rougir. J'étais juste dans la lune.

— Depuis plus de quarante-cinq minutes ?

— Si ça prend quatre jours pour faire le voyage, on peut dire que je l'ai fait plutôt rapidement.

La prof pouffa, ne sachant plus quoi ajouter à mon argument. Elle retourna s'assoir derrière son bureau.

— Dépêche-toi de revenir, alors. Il te reste quinze minutes, tu n'auras pas de temps bonus pour le terminer !

Le monde d'à côtéDove le storie prendono vita. Scoprilo ora