Partie 1 - Chapitre 1

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28 octobre 2012

Les bateaux m'avaient toujours filé la gerbe. Rien n'y faisait, pas même les médicaments contre le mal de mer, à chaque fois que je me trouvais au dessus de l'eau, j'avais des hauts-le-cœur. Alors, lorsque je me réveillais du sommeil imposé par la drogue que ces hommes m'avaient administrée, je reconnus directement cette sensation de malaise.

Cela aurait très bien pu être l'un des effets secondaires de leur drogue, je me sentais nauséeuse et j'avais un léger sifflement dans le creux de mes oreilles. Mais j'avais trop souvent fait les frais du mal de mer pour reconnaître cette sensation désagréable. Aussitôt que j'avais ouvert les yeux, j'avais eu la certitude d'être dans une embarcation.

Il était probable que lorsque j'étais encore évanouie, cela m'avait même bercé. Mais dès lors, je ressentais cette sensation de profond inconfort. Les murs autour de moi tanguaient légèrement. C'était également un indice. La salle dans laquelle je me trouvais était assez rustique, du vieux bois parsemait les murs.

J'étais seule et le temps que j'émerge de mon sommeil, je me mis à écouter autour de moi. J'entendais le bruit d'un moteur vieillot, sûrement celui d'un bateau.

Puis, je me mis à me tâter le corps, vérifiant qu'aucun de mes habits n'avait été bougé, que personne ne m'avait touché ou frappé. Ma conscience me revenait progressivement, avec elle toute l'angoisse d'ignorer l'endroit vers lequel le bateau se dirigeait. Avec frénésie, j'inspectais chaque parcelle de ma peau mais tout me semblait en ordre.

Alors, dans une logique quasi-scientifique, je tentais de me remémorer chaque souvenir précis qui me restait de la soirée. Avec difficulté, je me revoyais, sur le chemin du retour, à deux doigts d'emprunter la dernière ruelle qui me séparait de chez moi avant que ces hommes ne viennent troubler ma route.

Mon cœur se serra au souvenir de la sensation du mouchoir, rempli de chloroforme, brutalement collé sous mon nez, des bras masculins stoppant quelconque mouvement, avant qu'un écran noir ne s'affiche et que je tombe dans l'inconscience.

J'étais alcoolisée, et il ne m'a pas fallu longtemps pour tomber dans les pommes.

J'étais une personne assez pragmatique. J'étais une femme, j'avais grandi au milieu de l'oppression et des violences sexuelles. Très vite, j'avais compris que j'étais victime d'un enlèvement et que pour l'instant, je ne pouvais que me réjouir d'être encore en vie.

Ma plus grande peur, c'était d'avoir été victime d'un trafic d'êtres humains. La ville colombienne où je faisais mes études était réputée dangereuse mais jamais je n'aurais cru subir le même sort que les jeunes filles dont les médias parlaient.

On dit toujours que ça arrive aux autres.

Et pourtant, lorsque c'est notre tour d'être soumis à ces coïncidences et à ces pourcentages de chance, on a l'obligation de devenir pragmatique en quelques fractions de seconde.

Je tentais de fermer les yeux. Mais rien n'y faisait, j'étais assaillie régulièrement de vertiges plus ou moins puissants. Finalement, le chloroforme, ou la quelconque substance qu'on m'avait injectée, y était également pour beaucoup. Il devait sûrement avoir encore quelques résidus dans mon organisme et j'en faisais douloureusement les frais.

Les yeux fermés, je me sentais un peu mieux. Me retrouver dans l'obscurité me permettait alors de réfléchir, avec un plus de clairvoyance, sur la situation dans laquelle j'étais.

Il fallait à tout prix que je me calme. Inutile de gaspiller mes forces restantes à paniquer. Je me répétais alors ces quelques phrases, apprises lors de mes stages de premier secours.

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