Partie 1 - Chapitre 19

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30 novembre 2012

« Ila, tu dois faire plus attention lorsque tu récoltes les baies. »

Je jetai un coup d'œil à Maria qui observait depuis tout à l'heure mon travail avec un air sévère plaqué sur le visage. Cela faisait plusieurs jours que je vivais à la Communa. Même si je commençais à m'habituer à la végétation tropicale très dense, le comportement de mes trois colocataires me tapait sur le système. En particulier Maria.

Je levai les yeux au ciel.

« Je les ramasse, c'est déjà ça. » marmonnai-je.

Sentant mon agressivité, elle fit mine de ne pas m'avoir entendue et s'éloigna de quelques mètres, attendant le retour de Yeison et Nana partis récupérer des vivres dans un des campements principaux. Chaque semaine, ils revenaient avec une caisse de nourriture, nécessaire pour survivre dans l'univers étouffant de la Communa.

Même s'ils avaient un petit potager dans lequel ils faisaient pousser des fruits exotiques, Yeison, Maria et Nana étaient dépendants des hangars où était déposée l'ensemble de la nourriture à disposition de la colonie.

Je connaissais l'existence de ces centres pour la simple et bonne raison que j'avais pu m'y rendre parfois. C'était des sortes de grandes habitations où la majeure partie de la nourriture était conservée. Lorsque mon travail du jour impliquait la concoction des repas, j'avais pu pénétrer dans ces grands entrepôts qui alimentaient toute la colonie.

Je me souvenais vaguement que ces centres n'étaient pas si éloignés de mon habitation et de celle de César. Alors, étrangement, lorsque Yeison avait mentionné le projet de s'y rendre, j'avais ressenti l'envie incohérente de l'accompagner.

Bien sûr que sa réponse aurait été négative. Il aurait automatiquement vu une occasion pour moi de tenter de m'échapper.

J'ignorais ce que j'allais faire dans le futur proche. Mais l'idée de retenter une fuite n'était pas encore au goût du jour. Tous les soupçons étaient tournés sur moi et Yeison ne me lâchait pas d'une semelle. Je n'osais imaginer ce que César lui avait dit si je réussissais par mégarde à m'échapper.

Nana et Yeison étaient partis au petit matin et tandis que j'avais observé le camion s'éloigner, j'avais ressenti une piqûre de mélancolie à l'évocation des maisons de la colonie. La Communa était si rustique et inapprivoisable que je regrettais le confort des habitations de César.

Luisa me manquait. J'aurais aimé savoir ce qu'il advenait d'elle et des quelques femmes avec qui j'avais sympathisé. Je m'interrogeais sur ce que César avait bien pu dire pour expliquer mon absence. J'imaginais déjà la réaction d'Alejandra apprenant que j'avais tenté de m'échapper. Et que j'avais lamentablement échoué.

J'aurais préféré mentir plutôt que d'avouer que la vie à l'intérieur de la maison de mes « sœurs » me manquait. J'étais ravie de ne plus subir les tâches journalières assignées arbitrairement, ni même les rendez-vous obligatoires où César me scrutait comme un rat de laboratoire. C'était plutôt cet esprit de sororité que je regrettais.

Nous étions toutes des femmes victimes du même crime : kidnappées et placées dans un lieu étranger sans notre consentement. D'une certaine manière, je me sentais liée à elles, et comme si le souhait de César avait été exaucé, nous étions devenues sœurs.

« Tu as l'air troublée Ila. Tu penses à lui ? »

Je levai la tête vers Maria l'air hagard. Elle venait de briser le silence dans lequel nous étions depuis quelques minutes, semant le trouble dans mes pensées par la même occasion.

ColoniaWhere stories live. Discover now