Partie 1 - Chapitre 26

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« Tu caches bien cette histoire aux autres. J'ai eu beaucoup de mal pour te percer à jour. » Remarqua César le ton tranquille, comme si avoir fouillé dans les plus profonds secrets de ma vie antérieure avait quelque chose de normal.

Avec haine, je donnais un coup violent dans l'eau qui arrosa César. La colère qui me prenait actuellement ne lui était pas destinée, elle était entièrement tournée vers le passé, vers celle que j'avais été et vers ce prédateur dont j'avais eu le malheur de croiser la route.

J'avais fait en sorte de fuir chaque évocation de Pedro Alvarez depuis des années. L'enlever de ma vie n'avait pas été une tâche facile et je préférais éloigner chaque possibilité qui pouvait faire renaître le passé d'entre les morts.

Je savais bien que César m'observait et qu'il analysait chaque rictus de mon visage pour se remémorer des marques d'expression que j'afficherais s'il venait à réussir à me perturber.

Pourtant, je n'en avais que faire à ce moment précis. Il venait d'ouvrir un torrent de mauvais souvenirs, d'anecdotes que j'avais crues à l'époque romantiques mais qui n'étaient en réalité que profondément glauques.

Mes premiers baisers, mes premières expériences sexuelles, mes premiers rendez-vous amoureux... Il avait laissé sa trace sur chacun de ces événements censés être beaux et sains à mon âge.

Il n'y avait que ma mère qui s'était hérissée face à cette romance avec un homme de vingt ans son aînée. Mais il était déjà trop tard. Pedro avait déjà tissé sa toile autour de moi et j'étais prête à le défendre corps et âme face à ceux qui ne voulaient que mon bien.

Ma mère avait découvert cette relation trois mois après son début. Elle en a bien mis quatre pour en venir à bout. En résulte des heures passées à se disputer avec moi, à prononcer son nom en crissant des dents lorsqu'elle découvrait que j'étais allée le voir en douce.

Un jour, la goutte d'eau fut atteinte lorsqu'elle découvrit que j'avais commencé à prendre la pilule sous ses bons conseils, sans avoir vu de gynécologue au préalable. Peut-être n'avait-elle pas voulu s'avouer à elle-même qu'il était fort probable que nous ayons des relations intimes. Quoiqu'il en soit, peu de temps après cette découverte, et la violente dispute qui en avait découlé juste après, elle s'était rendue au domicile de Pedro et l'avait menacé de prévenir la police.

Manipulateur mais surtout lâche, il ne lui avait fallu que quelques jours pour me laisser tomber. Il avait flairé que le piège tissé autour de moi arrivait à sa fin et que ma mère était déterminée à ne pas le lâcher. Il avait prétendu un quelconque déménagement pour quitter la ville. J'avais été dans un état lamentable quand j'avais appris l'annonce. Je n'avais jamais oublié l'expression de son visage. Il avait étendu un panel de justification de notre rupture totalement vague et flou, avec un air totalement détaché, presque ennuyé à l'idée de devoir se coltiner une de ses conquêtes trop collantes.

J'avais connu un sévère chagrin d'amour pendant des mois, au grand désespoir de ma mère et à l'incompréhension de mes amies qui ne voyaient pas que derrière le simple chagrin d'amour se cachait une vérité beaucoup plus sombre.

Une fois que mes chaînes tenues par lui avaient été détachées, j'avais été déboussolée par la liberté soudainement retrouvée qu'il m'avait volée pendant des mois. Il m'avait fallu peu de temps pour comprendre que cette relation avait quelque chose qui clochait.

Mais il m'avait fallu des années pour désigner cette relation comme abusive et toxique.

Pedro Alvarez restait comme l'évocation d'un mauvais cauchemar pour moi. Prétendre qu'il n'avait jamais existé au profit de relations plus saines, détachées, sans jamais plus évoquer l'engagement et le couple avec mes amants.

ColoniaWhere stories live. Discover now