Partie 1 - Chapitre 32

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J'étais sortie de la laverie encore en état de choc. Mon épaule me faisait atrocement mal mais je tentai d'ignorer la douleur. Il se passait quelque chose d'important dans la colonie. Alors que je voyais défiler devant mes yeux mes sœurs qui se hâtaient vers notre maison, j'errais les mains tremblantes sur le pré qui me séparait du campement principal. Je ne savais quoi faire. J'imaginais que mon rendez-vous avec César tombait à l'eau.

Tout se mélangeait dans ma tête. Alejandra avait été à deux doigts de me tuer. Une nouvelle femme arrivait pour César. Elle avait failli me tuer putain.

Il nous rendait toutes folles, mais certaines plus que d'autres. Et Alejandra était arrivée à un point de non-retour. Elle avait été suffisamment détruite pour franchir la barrière de l'agression physique. Je le savais déjà lorsque je voyais les autres hommes m'observer avec un regard affamé, je n'étais pas en sécurité ici. Même dans mon espace personnel résidait une menace. Et elle semblait prête à tout pour m'éclipser.

Une partie de moi se rassurait égoïstement du fait de l'arrivée de la nouvelle. Alejandra allait peut-être changer de cible. Malgré tout, je ne pouvais pas empêcher cette voix désagréable qui me poussait à m'inquiéter de cette nouvelle. Qu'est-ce que cela allait changer ? César modifierait-il son comportement à mon égard ? Une partie de mon cœur se serrait à l'idée que je ne serais sûrement plus la favorite.

Mais cela avait du bon. Je ne pouvais pas le nier.

Je laissais mes pas me guider vers mon habitation. La curiosité maladive me gagnait aussi. Et puis, je préférais éviter de traîner seule ici. J'avais suffisamment eu peur pour aujourd'hui et je ne voulais tenter quiconque qui souhaiterait me voir disparaître.

Au bout de quelques minutes, j'arrivais devant la grande bicoque en bois et j'entrai en poussant la porte avec mes cotes. Mon épaule me faisait trop mal pour que je puisse soulever mes bras. Je savais que l'ambiance serait à l'effervescence et que je ne pouvais me permettre de rater un moment important en me rendant à l'infirmerie.

Je pénétrai dans l'enceinte de la maison et fut brusquement entourée d'un brouhaha papillonnant. Personne ne fit attention à moi. Toutes les filles étaient plongées dans des discussions passionnées, certaines spéculaient et d'autres prononçaient des discours violents les dents serrées.

Chaque arrivée se déroulait de cette façon ? J'osais à peine imaginer comment s'était passée la mienne. Je n'avais pas oublié le sourire malicieux de César lorsqu'il m'avait annoncé que le fait que je me retrouve directement chez lui était une exception. Si je ne m'étais pas évanouie, me serais-je retrouvée au milieu de ce troupeau de femmes enragées ?

Je parcourais la pièce du regard mais aucun visage inconnu me sautait aux yeux. Toutes les femmes présentes ici étaient des anciennes.

« Elle est partie avec César. » me lança une connaissance qui voyait mon regard déboussolé.

Sans savoir trop quoi répondre, je restais plantée devant elle. Etait-ce normale pour la nouvelle de se rendre aussi rapidement chez César ? Bénéficiait-elle aussi d'un traitement qui la rendait « spéciale » à nos yeux ?

Je nageais en plein cauchemar. J'avais été la favorite, celle admirée et aujourd'hui, je me retrouvais au même statut que ces femmes qui m'avaient envié. Quel sentiment âcre d'être dans la frange inférieure. J'étais perdue dans cette masse et c'était presque ma propre identité qui commençait à se troubler.

Cela faisait longtemps qu'un des rouages machiavéliques de César ne m'avait pas sauté aux yeux. Je découvrais une nouvelle fois son génie : une femme chérie par lui voyait sa confiance en elle croître, croître, jusqu'à ce que seul César en devienne le moteur. Aussitôt qu'il disparaissait, aussitôt elle se retrouvait démunie et sans repère. La seule solution était de rechercher cette drogue, cette dose de considération et de prestige que seul lui était capable de fournir à n'importe quelle femme.

ColoniaWhere stories live. Discover now