Chapitre 33

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Point de vue de Jayden Fields
Appartement de Mateo Parker
Samedi 21 novembre, 10h45

— On ne t'a pas cambriolé, Mateo ! m'énervai-je en revenant dans la pièce principale.

Avant d'enregistrer sa plainte, Mateo avait insisté pour que je vienne constater l'état de son appartement. Il m'avait suivi jusque dehors pour me convaincre de se rendre chez lui. Fatigué de sa présence dans le commissariat, j'avais accepté. Lucas et moi avions donc fait le tour de son appartement pour arriver à la conclusion que rien n'avait bougé.

— Toi et ton coéquipier, entama-t-il en désignant Lucas, avez mal regardé.

— Je connais ton appartement par cœur. Je t'assure que rien n'a bougé depuis la dernière fois que j'y ai mis les pieds ici, ni par toi ni par un cambrioleur. Tu nous fais perdre notre temps !

— Ça va, t'inquiète, tu auras quand même le temps de les arrêter, tes vrais criminels, annonça-t-il d'un air désinvolte. C'est vrai, personne ne m'a cambriolé, ça arrive à tout le monde de se tromper.

— De se tromper volontairement, vous voulez dire, corrigea Lucas. Pourquoi vous nous avez menti ?

— Pour attirer l'attention de Jayden, répondit-il en toute logique. J'aimerais lui parler cinq minutes.

— Eh bien c'est raté, je ne t'en accorde même pas une, Mateo.

— Cinq minutes, pour nos vingt-trois ans d'amitié. Je ne me trompe pas de date, c'est bien aujourd'hui, non ? Peu importe, je vois que c'est trop te demander, tu préfères sortir d'ici le plus vite possible et aller travailler avec ton nouveau meilleur ami. Dis-moi au moins si ça va...

— Ça va, rétorquai-je simplement en me dirigeant vers la porte.

Nous sortîmes de son appartement et je lançai à Lucas les clefs de notre voiture de fonction. Je n'avais pas envie de conduire. Mateo nous avait fait perdre près de deux heures avec son mensonge. Agacé, je m'installai côté passager et attendis qu'il s'installe au volant. En silence, j'admirais le paysage depuis que nous avions quitté l'appartement. Visiblement Lucas ne voulait pas me laisser méditer à mes problèmes dans mon coin comme j'avais l'habitude de le faire puisqu'il prit la parole.

— C'est quoi le problème avec cet homme ?

— Rien, rien du tout. Je ne veux plus le voir, c'est tout.

— Avant ton départ en France, je t'avais dit que j'espérais qu'un jour, tu veuilles me parler de tes problèmes, tu te rappelles de cela ? Je crois que ce moment, c'est maintenant. Je ne te laisse pas le choix. Tu peux avoir confiance en moi, Jay.

— Je sais et je te remercie mais on n'a pas le temps pour ça, on a du travail.

— Peut-être mais les vingt minutes qui nous séparent du commissariat te laissent largement le temps de me raconter ce qu'il se passe.

Tentative ratée puisque je m'enfermai à nouveau dans ma bulle. Mécontent de mon attitude, il gara la voiture dès que l'occasion s'offrit à lui et attendit en silence que je daigne lui parler. J'avais l'impression d'être un suspect qu'on force à parler. Je soupirai et me souvins de la règle n°1 d'Élise : la trahison n'est jamais une fin en soi et ne doit pas empêcher un être de s'ouvrir aux autres. Il est possible d'accorder à nouveau sa confiance à des personnes qui la méritent. Je ne pouvais pas ignorer les règles d'Élise.

— Il avait raison sur un point, ; aujourd'hui, on aurait dû fêter nos vingt-trois d'amitié, mais j'ai rompu tout contact avec lui depuis quelques mois. Mateo et moi, on a fait des tas de choses ensemble, on se connait depuis nos sept ans, tu te rends compte ? Bref, on sortait tous les soirs, on s'amusait trop bien, l'informai-je avec une certaine nostalgie. Puis j'ai arrêté de sortir autant parce que Chloe me reprochait de trop le faire. Mateo m'en a voulu alors il s'est trouvé de nouveaux amis avec qui sortir le soir. Fier de lui, il me les a présentés, c'étaient des personnes pas vraiment fréquentables qui préparaient un braquage. Quand ils ont compris que j'étais flic et qu'ils en avaient trop dit en ma présence, ils m'ont très vite éjecté du groupe et ont fait en sorte que Mateo ne me parle plus. J'ai arrêté ces deux personnes lors du braquage ; c'était facile, je savais où il allait se passer, comment et quand. Mateo n'était pas là mais il avait un rapport avec tout ça. J'ai appris lors de l'interrogatoire des deux types que Mateo devait faire partie du braquage mais qu'il n'était pas venu. Puisque je travaillais sur cette affaire, je l'ai couvert pour qu'il n'ait pas d'ennuis. Il est venu me reprocher d'avoir arrêté ses amis et n'a pas pris la peine de s'excuser ou de me remercier parce que pour lui, c'était normal que je trouve un moyen de l'aider. Il a dit qu'il me haïssait et ne m'a pas parlé pendant les deux semaines qui ont suivi ; puis il est revenu me voir en me certifiant qu'il était désolé. Malgré tout, je lui ai accordé une deuxième chance parce que c'était mon meilleur ami. J'ai perdu ma mère une semaine après. Je lui ai fait comprendre que c'était important qu'il vienne à son enterrement. J'avais besoin de lui. Je l'ai toujours considéré comme mon frère, d'autant plus que je suis fils unique, comme tu le sais, ou pas finalement... Encore un truc que je ne t'avais pas dit, grimaçai-je. Mateo et ma mère s'entendaient à merveille. Mon ami a toujours considéré mes parents comme les siens, étant bien plus proches d'eux, mais tu sais quoi ? Il m'a répondu qu'il avait autre chose à faire et quand je lui ai demandé ce que c'était, il a eu le cran de me dire qu'il ne savait pas encore mais qu'il trouverait bien. J'ai cru m'effondrer, vraiment. Je lui ai dit de sortir de chez moi et de ne plus jamais me reparler. Et c'est ce qu'il a fait et je l'ai encore plus détesté d'avoir respecté ma décision. J'aurais aimé qu'il vienne tout de même à l'enterrement de ma mère ou qu'il tente de s'excuser mais rien de tout ça. À la place, il se pointe des mois plus tard en espérant trinquer à nos vingt-trois ans d'amitié comme si de rien n'était. Quant à Chloe, ce n'est pas beaucoup mieux, elle est devenue tellement égoïste que notre couple en a été détruit.

Une relation qui avait duré six ans. Six ans, ce n'était pas rien tout de même. Elle savait toute ma vie et Mateo aussi. Et on ne se parlait plus. J'en avais dit à Lucas plus qu'il n'avait voulu en savoir. Au départ, la conversation portait sur Mateo et pas sur Chloe. Mais j'avais redécouvert le bonheur de me confier à quelqu'un et dans cet élan, je lui avais donc parlé de cette autre relation. Chloe, il l'avait vue une fois, lorsque j'avais fêté mes trente ans et il avait dû remarquer ses traits de caractères étranges.

— Voilà pourquoi je suis silencieux sur ma vie, poursuivis-je en inspirant doucement. J'ai un peu peur de faire confiance à nouveau à cause de Mateo et de Chloe. Mais Élise m'a fait comprendre que j'avais tort. Il n'y a pas que des Mateo et des Chloe dans le monde. Toi, mon père, Élise, vous en êtes la preuve. Et j'avais oublié à quel point c'était bien de pouvoir parler à quelqu'un. Merci d'être là, Lucas.

Lucas chercha la meilleure façon de m'informer qu'il était désolé de ce qui m'était arrivé.

— Peut-être qu'il s'est rendu compte de ses erreurs et qu'il veut te montrer qu'il est redevenu le Mateo d'avant ? poursuivit-il, persuadé d'avoir trouvé la solution.

— C'est tout toi, ça, ne voir que le bon côté des gens, souris-je. Le problème, c'est qu'il n'a tiré aucune leçon de l'épisode du braquage. Je lui évite d'avoir des problèmes et qu'est-ce qu'il fait ? Il revient des mois plus tard pour déposer une fausse plainte. Je fais quoi moi ? Je lui pardonne et il refait la même erreur en boucle ? Maintenant c'est certain, on a perdu trop de temps à cause de lui, me lamentai-je pour mettre fin au sujet Mateo. On rentre au commissariat.

Tout en m'écoutant, Lucas se pencha sur son téléphone portable. Il m'informa que sa sœur accueillait leur mère chez elle depuis sa rupture avec son père. Cela faisait maintenant huit mois que Destiny et Nicholas avaient pris un appartement. Ils en étaient contents, et surtout, ce logement se situait à proximité de la piscine dans laquelle Nicholas exerçait en tant que maître-nageur. Lucas plaignait sa pauvre sœur qui devait, chaque matin, entendre leur mère lui répéter que tout était de la faute de Vincent qui avait cru déceler une relation amoureuse entre elle et Thomas. Lucas ne savait pas quoi en penser, sa mère n'avait jamais été l'incarnation de l'honnêteté et il souffrait de tous ces mensonges qui se succédaient, jour après jour. Il lui semblait que Destiny réussissait malgré tout à accorder à nouveau une totale confiance en leur mère. Pour une fois, il fallait avouer que Katherine avait agi en adulte responsable en mettant fin à un carnage : alors que Vincent avait cru aider, il s'était enfoncé tout seul dans une sale histoire, entraînant tout le monde sur son passage. Katherine avait simplement évité qu'une action illégale ne se retourne complètement contre l'homme qu'elle aimait, parce que oui, Lucas m'assurait que sa mère était amoureuse de Vincent et de personne d'autre. Destiny encourageait leur mère à répéter à Vincent qu'elle l'aimait avant qu'il ne soit trop tard. L'échange de messages entre Lucas et sa sœur contenait un tout autre sujet : le prénom du bébé de Destiny et Nicholas. Lucas sourit puis reprit la route.

Oh My Worst Nightmare ☆ TOME 2 : L'homme aux deux visagesWhere stories live. Discover now