Chapitre 4

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Ma mère avait tardé à me donner un père digne de ce nom pour me le reprendre brutalement cinq ans plus tard.

Aujourd'hui.

Mon ange gardien. Mon protecteur. L'un de mes repères dans ce monde trop grand pour moi.

Et plus rien.

— Trésor, je... je ne supporte pas de te voir comme ça. Vincent va bien, je te le promets.

Je ne l'avais pas entendue arriver. Mon cerveau s'était comme mis sur arrêt. Destiny, mon plus grand pilier dans ce carnage – dans cette vie que je n'avais choisie que partiellement. Ma soeur avait été ma lueur d'espoir lors de mes heures les plus sombres, l'unique raison qui m'avait empêché de sombrer définitivement huit ans plus tôt. 

Au même titre que son arrivée discrète, je ne l'avais pas vue s'approcher de moi et poser sa main droite sur mon épaule tandis qu'elle essuyait tantôt mes larmes avec la gauche. Thomas avait déchiré mon coeur. Destiny était là pour le réparer. Le mal et le bien. Ou le bien et le mal comme ma soeur l'espérait. Elle nourrissait secrètement l'espoir que la notion de bonheur vienne se loger en premier dans ma tête, bien avant la tristesse qui s'y installait injustement.

— Ne m'appelle pas comme ça, je t'en prie.

Elle ne s'en était pas rendu compte, mais elle avait utilisé le surnom que Thomas me donnait. Ce surnom devenu insupportable, ingérable et beaucoup trop malsain. Le regard de ma soeur se ferma lorsqu'elle entendit ma voix se briser, comme le reste. Seul espoir qu'elle avait gardé en voyant mon état physique lamentable.

Elle m'invita à la regarder, comme pour me ramener dans le monde réel et m'aider à échapper au trou noir que Thomas et ma mère avaient créé tout autour de moi.

— Vincent est vivant et il va bien, répéta-t-elle de manière à faire rentrer l'information dans mon cerveau.

— Est-ce que tu peux répéter cette phrase ? Je crois qu'elle me fait du bien.

— Lucas, reste avec moi !

Je ne pouvais pas dire si elle avait chuchoté ou bien crié, mais elle avait cherché à me faire sortir de mon cauchemar, puis de mon rêve éveillé.

— Vivant avec un grand V ?

— Comme Vincent avec un grand V, il en porte la trace, sourit-elle en posant ses deux mains à plat sur ma chemise. Maman n'est pas amoureuse de Thomas, et ton père est vivant. Lui et maman m'ont forcée à participer à ce plan...bancal. Moi, je n'étais pas d'accord.

— Pardon ? Je... Je ne comprends pas. Le V ne représente pas la victoire, mais la vengeance, c'est ça ? Tu as voulu te venger pour ce que je t'ai fait subir il y a huit ans ?

Elle ouvrit la boucle, écarquilla les yeux, et chercha ses mots, peinée par l'ampleur de mes propos.

— Tu... Tu crois que je ne t'ai pas encore pardonné ? Mais Lucas, ça fait des années que c'est fait. On ne va quand même pas revenir là-dessus. Je ne voulais pas qu'on fasse ce plan, moi, mais ton père a insisté. Excuse-moi Vincent, mais je ne me fâcherai pas avec mon frère à cause de toi, lança-t-elle alors que la qualité de ma vue ne s'améliorait pas.

Je me maudissais intérieurement d'être incapable de réagir convenablement, de répondre intelligemment aux propos de ma soeur, et d'observer la pièce. La gentillesse et bienveillance de mon père l'avaient poussé ces dernières années à créer une relation avec ma soeur. Il représentait une nouvelle figure paternelle pour elle aussi.

— J'ai appelé les secours pour monsieur Shelt ; il faut qu'il passe une radio, imagine qu'il y ait eu des lésions internes.

Destiny planta son regard dans son interlocuteur, cherchant à le remercier. Nicholas était là lui aussi, et je l'apercevais seulement. La vision me revenait, les sons aussi. Petit à petit, Destiny et Nicholas me ramenèrent à leur réalité, à notre réalité.

Oh My Worst Nightmare ☆ TOME 2 : L'homme aux deux visagesWhere stories live. Discover now