Chapitre 14

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Domicile de Vincent Shelt et de Katherine Stewart

Comme à chaque fois que je m'y rendais, le domicile de mon père m'offrait une source totale de plénitude. Je m'y ressourçais. Il me fallait au moins cela après une discussion avec Thomas qui s'était terminée en désastre. Tout fier, mon père déposa un plat sur la table avant de m'annoncer qu'il l'avait cuisiné, lui. Aucune réaction de ma part, alors il me servit et fit de même avec ma mère. Il prit place à côté de cette dernière juste après avoir pris sa part. Tous deux remarquèrent que je ne touchais pas à mon assiette.

— Lucas, je plaisantais, c'est ta mère qui a fait le dîner, pourquoi tu ne manges pas ?

— J'étais en train de penser à Thomas.

Il haussa un sourcil, stupéfait.

— Pourquoi ?

— Parce que je reviens de chez lui, et...

— Pardon ? Tu reviens de chez lui, c'est bien ce que tu as dit ? me coupa-t-il en reprenant mes mots.

Je sentis à son ton employé qu'il fallait que je me justifie. J'avais eu des choses à dire à Thomas, et j'étais celui qui lui avait d'ailleurs fixé un rendez-vous. Mon père se braqua à cette nouvelle et reposa sa fourchette sur la table dans un mouvement brusque. Thomas lui donnait constamment du fil à retordre, et si un peu plus tôt dans la soirée, ce dernier m'avait répété qu'il lui était insupportable de vivre dans le même monde que l'homme qui lui « volait » sa vie, il en était de même pour mon père qui ne tolérait pas qu'on nuise à son fils. Il tenta de retrouver son calme. Thomas ne méritait pas d'attirer sa colère.

— Je ne veux pas que tu le voies.

— Je travaille avec lui, ce que tu me demandes est difficilement réalisable, tu t'en rends compte ?

— Tu as très bien compris ce que je voulais dire.

— Je crois qu'il essaie de changer, osai-je dire. Il a besoin que je l'aide.

— Non, Lucas. Thomas est malade. Ce dont il a besoin, c'est d'un suivi psychologique. Il a besoin de parler à un professionnel. C'est très gentil de vouloir l'aider, mais tu es justement LA personne à ne pas pouvoir le faire. Thomas est un psychopathe, et les psychopathes sont dangereux, m'expliqua-t-il comme si j'avais cinq ans. En dehors du travail, je ne veux pas que tu le voies. Suis-je assez clair ?

— Je ne peux pas laisser les autres dans leurs souffrances, ce n'est pas moi. Enfin... ce n'est plus moi, corrigeai-je en pensant à l'époque de ma fausse mort qui avait ravagé ma famille.

Ma mère croisa les bras sur la table et osa enfin intervenir après avoir observé l'échange en silence.

— Cette qualité est indéniablement belle, mais elle peut également te détruire. Ce rendez-vous que tu as eu avec lui a-t-il au moins été concluant ?

Ma mère changea de stratégie. J'allais comprendre de moi-même que je ne pouvais rien faire. Je l'avais déjà assimilé, mais j'espérais me tromper.

— Il a fait des efforts avant de refaire preuve de perversité, annonçai-je, las. Mais je suis persuadé que je peux réussir à mettre un terme à tout cela.

— Lucas, stop, ça suffit. Tu connais le grand talent des psychopathes ? La manipulation. Qui te dit qu'il n'essaie pas de t'amadouer pour obtenir ce qu'il veut ? Je vais répondre à la question que tu n'oses pas me poser. Oui, Thomas est venu me présenter des excuses. Et non, elles n'étaient pas sincères. Sa prétendue rédemption n'est peut-être qu'une façade. Mange, ça va être froid.

Il détourna le regard. Il n'aimait pas sa propre attitude. Lorsqu'il me donnait des ordres, il se faisait lui-même penser à James ou à Thomas, et cette sensation l'horripilait.

Oh My Worst Nightmare ☆ TOME 2 : L'homme aux deux visagesWhere stories live. Discover now