Chapitre 8

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4 septembre 2015, (LAPD) commissariat

— Qu'est-ce que tu fais ?

Jayden s'inquiéta en me voyant ranger mes affaires. Dépassant ses fonctions de formateur, nous nous étions rapprochés jusqu'à fraterniser. Ce fut pourquoi, Jay se leva de son bureau et attrapa le carton que j'avais dans les mains pour mettre un stop à mon déménagement. Je l'avais mis au courant à propos de toute l'histoire de Thomas, jusqu'au défi lancé et accepté. Mon ami avait cette forte impression que Thomas ne l'appréciait pas beaucoup, et encore plus depuis ce fameux procès où il avait été amené à témoigner contre lui.

— Ne fonde pas trop d'espoir en lui, je ne vois pas vraiment ce qu'il peut faire pour t'amener à changer d'avis sur sa personne. Et ne me laisse pas, s'il te plaît.

— Je suis vraiment désolé, travailler avec lui est au-dessus de mes forces. Mais comme je lui ai lancé un défi, j'imagine que la moindre des choses est d'attendre le résultat avant de prendre une décision. En plus, je ne devrais pas t'annoncer que je pars le jour de ton anniversaire, ce n'est pas très gentil de ma part. Très bon anniversaire, Jay ! dis-je en lui donnant une tape amicale.

— À propos, je t'invite chez moi ce soir, si tu n'as rien de prévu, bien sûr, annonça-t-il tout sourire. Je fais une fête pour mes trente ans, et j'aimerais que tu rencontres ma copine et mes amis. Il y a aura les collègues aussi. Et puis invite Vanessa. Et aussi ton meilleur ami, tu voulais que je le connaisse. J'ai oublié son prénom, je suis désolé, tu m'en parles tous les jours et je ne suis même pas foutu de m'en souvenir, s'énerva-t-il contre lui-même. Tu crois que je ne suis pas assez attentif aux autres ?

— Mais non, ris-je, ce n'est pas grave. Il s'appelle Nicholas, lui rappelai-je.

Pris dans notre discussion, nous n'avions pas entendu Thomas arriver. Il se tenait à présent devant le bureau de Jayden, l'air agacé.

— Fields, vous inviterez Lucas à votre goûter d'anniversaire tout à l'heure, on n'est pas là pour ça, précisa-t-il en frappant sur le bureau de celui-ci pour attirer son attention. Lucas, ton téléphone que tu as volontairement oublié sur la table de mon salon, ajouta-t-il en faisant glisser mon BlackBerry jusqu'à moi.

— Comment l'avez-vous deviné ? demandai-je impressionné. C'est vrai, c'était un oubli volontaire mais comment l'avez-vous su ?

— Parce que je ne suis pas idiot et que je te connais trop bien. Enfin bref, si ce que tu attends, c'est mon approbation, je te la donne, déclara-t-il. Pourquoi ne m'as-tu pas demandé hier si j'étais d'accord ?

— Parce que je voulais savoir si vous étiez capable de résister à la tentation de fouiller dans mon téléphone, et visiblement j'ai ma réponse...

Il ne répondit rien, sûrement parce que mon argument n'était pas approprié. Sachant que je l'avais oublié volontairement, il était évident qu'il fouillerait dedans pour découvrir ce que je voulais qu'il sache.

— Mais histoire qu'il n'y ait pas de malentendu, je vous l'ai demandée par politesse et tradition. Je suis toujours...

— Ce sont des excuses que tu veux ? me coupa-t-il, semblant prendre subitement conscience de l'ampleur de la situation.

— Je n'arrive pas à croire que vous osiez me poser la question.

— Écoute, Lucas... Je vais te dire quelque chose que je n'ai dit à personne. Je peux venir chez toi ce soir ?

— Non vous ne pouvez pas ! Ce soir, comme vous l'avez très bien entendu tout à l'heure, je vais au « gouter d'anniversaire » de Jayden, dis-je pour réutiliser ses propos.

— Très bien, capitula-t-il. Je vais te le dire maintenant alors.

Sans rien ajouter de plus, il retourna dans son bureau. Il avait laissé la porte ouverte comme pour m'inviter à l'y rejoindre. Jayden reprit place à son bureau en me souhaitant beaucoup de courage.

Bien installé dans sa chaise de bureau, Thomas était silencieux. Il me regarda fermer la porte sans prononcer un seul mot, et perdura quand je l'imitai en m'asseyant sur l'une des deux chaises vides en face de lui. Je m'impatientais.

— Tu sais, mon père ne m'aimait pas beaucoup, commença-t-il alors que non, je l'ignorais. Je crois même qu'il me détestait ! Il n'a jamais approuvé les choix que je faisais : que ce soit pour mes études, mon métier, ou encore les filles avec qui je sortais. Et mes amis aussi. Rien ne lui plaisait et il me le faisait bien comprendre.

Pourquoi me racontait-il tout cela ? Qu'attendait-il que je lui réponde ?

— J'ai toujours rêvé d'être chef de la police, poursuivit-il sans même attendre de réponse de ma part. Depuis que je suis gosse. Mais mon père, lui, n'était pas d'accord et il a voulu me faire changer d'avis en levant la main sur moi. Il était du genre violent.

Thomas me racontait son histoire avec une telle sérénité, comme si tout cela n'avait plus aucune importance aujourd'hui. Comme si plus aucun mauvais souvenir ne perdurait dans sa tête. Il marqua une pause, probablement pour me montrer qu'il s'agissait du bon moment pour intervenir.

— J'ignorais que votre père était comme... James, dis-je complètement abasourdi. Qu'est-il devenu ?

— Il est mort il y a une dizaine d'années. Mais je ne comprends pas, pourquoi vouloir démissionner ? J'ai toujours su que c'était ce métier que tu ferais...

— N'essayez pas de me faire changer d'avis, ce n'est même pas le sujet de la conversation. Et puis ce que je veux pour ce défi est très simple, vous l'avez même évoqué. Comment avez-vous fait pour survivre à votre père ? demandai-je pour relancer le vrai sujet de notre conversation.

— Je ne sais pas trop, je faisais comme toi. Enfin je veux dire, est-ce que l'on peut vraiment s'en sortir quand on a décidé de garder le silence ? Parfois, mon père tenait des propos tendancieux envers moi, et je n'ai jamais compris pourquoi. C'était si malsain.

— Je crois rêver ! Vous ne faîtes jamais cela, vous.

Je m'étais levé de la chaise comme pour avaler plus facilement les propos qu'il venait de me livrer. Thomas avait tout fait pour réduire en miettes la violence de son père en me protégeant du « mien », mais il ne s'était pas débarrassé des propos déplacés qu'il entendait à longueur de journée. J'étais maintenant sur le point de quitter son bureau.

— Attends ! Ce que je t'ai dit sur mon père, j'aimerais que tu le gardes pour toi, me demanda-t-il. Personne n'est au courant. Je ne l'ai jamais dit à personne, et si je l'ai fait avec toi, c'est pour te montrer que je te porte assez de confiance.

— Ne vous inquiétez pas, je ne le dirai à personne. Je suis capable de garder des secrets, mêmes les vôtres !

Il attendit un moment qui ne vint pas. En l'espace de deux jours, j'avais déçu Thomas deux fois.

Oh My Worst Nightmare ☆ TOME 2 : L'homme aux deux visagesWhere stories live. Discover now