Partie 2

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Dire qu'elle avait été surprise était un euphémisme. Elle avait naturellement pensé qu'il se serait empressé de l'approcher afin d'exercer son pouvoir sur elle. Mais après une semaine au château, Voldemort n'avait rien tenté. Pas une seule rencontre, pas d'ordres... rien. A se demander s'il était au fait de sa présence.

Il fallait dire que Lizzie ne lui facilitait pas la tâche. Elle avait évité tous les lieux où elle se rendait lors de sa captivité, dont principalement la bibliothèque et les jardins et n'hésitait pas à se désillusionner lorsqu'elle parcourait les couloirs en cas d'une éventuelle rencontre. Mais elle se doutait que ce ne soit que de minces précautions comparées aux moyens qu'il disposait. Elle passait alors ses journées à parcourir les différentes chambres du manoir dont le nombre était assez impressionnant pour pouvoir défier la providence.

Ce jour-là néanmoins, lorsqu'elle entra dans la pièce, elle réprima un hoquet de surprise. Elle ne se trouvait pas dans une chambre, mais dans une salle de musique où un majestueux piano à queue noir se dressait depuis le centre. Ses yeux se mirent à scintiller d'impatience alors que ses pas la guidaient déjà vers l'instrument. Elle frôla distraitement les touches puis, remarqua sur le dessus une vingtaine de partitions soigneusement empilées qu'elle feuilleta.

- Mozart, Beethoven, Chopin, Schubert, lut-elle estomaquée.

Ce n'était que des compositeurs incontournables de la musique moldu. Drôle d'objet à trouver dans le château du seigneur des ténèbres ! Elle s'arrêta sur une partition de Chopin, son compositeur classique favori et s'installa sur le banc. Ses premières tentatives furent assez lentes et parsemées de quelques mauvaises notes mais très vite elle s'appropria la mélodie.

Mais alors que son jeu s'était fluidifiait, un reflet sombre sur la paroi vernie du piano la fit s'arrêter brusquement, en dérapant sur un accord qui sonna faux. Le seigneur des ténèbres se tenait à quelques mètres derrière elle.

Le regard sévère, le dos droit, le visage impassible, il paressait plus intimidant que lors de leur dernière rencontre.

- Ne t'arrête pas pour moi, lui dit-t-il.

Sa voix grave pourtant dépourvue de colère résonna dangereusement à travers la pièce, lui transperçant inconsciemment l'échine. La Gryffondor resta parfaitement immobile, l'observant toujours à travers la paroi de l'instrument. C'est lorsqu'elle entendit ses pas se rapprocher d'elle, qu'elle se leva brusquement et sans lui accorder un seul regard se dirigea vers la sortie.

Voldemort dissimula son agacement à travers un soupir imperceptible avant de prendre place à son tour sur le banc face à l'instrument. Et c'est avec indifférence qu'il poursuivit le morceau là où elle avait arrêté.

La surprise figea Lizzie sur le seuil de la porte. Qui aurait cru que le seigneur des ténèbres pouvait jouer du Chopin ? S'intéressait à la musique moldu ? Et privilégiait un art moldu à la magie ? Sa curiosité l'emportant sur sa colère, elle revint prudemment sur ses pas et l'observa ahurie, caresser les touches sans aucune hésitation tout en se passant de partition. Elle contourna le piano et s'appuya dessus, attendant patiemment qu'il termine.

- Alors vous savez jouer, déclara-t-elle nonchalamment lorsque la dernière note eut fini de résonner.

Il réprima un sourire moqueur devant son attitude.

- En quoi serait-ce une surprise ?

- N'est-ce pas là le comble pour celui qui veut éradiquer les moldus que de jouer de leur musique ? lui lança-t-elle en arquant un sourcil.

Il s'amusa de sa réponse audacieuse.

- Le monde n'est ni noir ni blanc, lui expliqua-t-il sur le ton de la conversation. Les moldus resteront toujours inférieurs, mais l'art qu'ils créent vaut la peine d'être entendu.

Elle plissa le front, signe de son désaccord.

- C'est triste que vous n'ayez toujours pas compris. C'est pourtant simple. Leur force résident dans leur imperfection. La magie qu'il n'ont pas, les poussent à créer eux-mêmes la beauté. Une beauté d'ailleurs que les sorciers admirent mais que peu d'entre eux réussissent à imiter. Mais...

Elle soupira, se demandant pourquoi elle se tuait toujours autant à défendre son point de vue devant lui. Il ne changerait jamais, et elle perdait son temps.

- Mais, se reprit-elle, vous avez raison, personne ne peut changer la nature des choses, une mule restera toujours une mule, quoique ce qu'elle pourra entendre. C'est pourquoi cette conversation n'a aucun intérêt.

Voldemort digéra l'insulte habilement déguisée et prit sur lui pour ne pas rétorquer. Quiconque d'autre aurait périe sur le champ... Mais celle-là, il sut qu'il l'avait quelque peu méritée.

- Très bien, l'arrêta-t-il alors qu'elle commençait déjà à s'engager vers la sortie. Peut-être voudras-tu me dire pourquoi tu es revenu.

Elle le dévisagea prudemment.

- Epargnes-moi les inepties avec lesquelles tu as convaincu Jonathan. Je ne suis pas dupe, jamais tu ne serais revenue pour échapper aux mangemorts, tu ne les crains pas.

Jonathan ne semblait pas l'avoir averti sur son identité alors elle en joua.

- J'ai découvert que Montreuil est mon nom de famille, se répéta-t-elle d'une voix lasse.

Voldemort sourit de cette information. Donc, sa famille se comptait parmi ses fidèles. Cela remettait tout en question mais n'expliquait pourtant pas sa présence. Car même si elle aurait voulu les rencontrer, passer par lui n'était pas nécessaire. Il la scruta quelques secondes mais n'insista pas, se promettant que tôt ou tard, il découvrirait son secret.

- Intéressant, déclara-t-il plutôt avec un sourire. Quelle a été ta réaction en apprenant que ton père est le futur gouverneur de France ?

Lizzie lui lança un regard inquisiteur. Alors, il croyait que son père était Emile. Pour la première fois depuis longtemps, elle eut un sourire moqueur.

- Mon père ne serait jamais devenu Gouverneur, puisqu'il détestait ce poste. D'ailleurs, il n'a jamais adhéré à l'étiquette de la haute société et a préféré s'éloigner des responsabilités qu'incombaient son nom. Je suis la fille de Léonard Montreuil non d'Emile, le corrigea-t-elle.

Ce nom ne lui était pas inconnu. Léonard Montreuil...On lui avait un jour rapporté que le cadet d'un de ses gouverneurs avait tragiquement périe dans un accident de transplanage. Il ne l'avait jamais vraiment rencontré, peut-être aperçu lors d'une soirée tout au plus, mais son soutien avait été envoyé à la famille.

- Tu les rencontreras dans trois jours, décida-t-il après un moment de silence.

La surprise se peint sur le visage de la jeune femme, très vite remplacé par de la méfiance.

- Où est le piège ?

Voldemort sourit. Il y a des choses qui ne changerait jamais.

- Ce ne sera pas une rencontre officielle. Mai est généralement le mois au cours duquel je me rends dans plusieurs écoles, afin de m'assurer de l'état des infrastructures. Il se trouve que visiter l'université de Paris avec les Montreuil fait partie de mon programme. Tu m'accompagneras à mon bras.

Elle lui jeta un regard noir mais ne put qu'accepter. C'était peut-être sa seule chance de les approcher en douceur.

- A une condition, précisa-t-elle alors qu'il l'incitait à poursuivre d'un signe de tête. Je serai la seule à leur annoncer. 

Princesse de GryffondorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant