Chapitre 39

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J'inspirai longuement l'air lourd et épais de la Terre. Je préférais cet air pollué à celui stérile des Cieux. Une odeur de pluie et d'aiguilles de pin flottait dans l'air. C'était agréable, une odeur naturelle et pure.

Je remontai la route jusqu'à la maison de Beahan. C'était... une ruine. Je me souvenais des dégâts que le monstre avait fait mais je ne me souvenais pas que tout un pan de la maison se soit effondré. C'était à peine si elle tenait encore debout. Des bâches avaient été installées pour protéger les pièces encore intactes et les possessions qui pouvaient l'être. C'était un désastre.

Un camion de déménagement se remplissait de meubles, doucement mais sûrement. Je trouvai rapidement mon protégé. Il était dans son bureau avec Ava, enfermant dans un carton toutes ses recherches sur son affaire. Je ne trouvai aucune des feuilles qu'il avait couvertes d'informations sur les démons. Même les livres d'Ava avaient disparu. Il ne restait plus rien de tout le travail que l'on avait fait sur Asmodeus, sur Aleister Crowley et sur l'Enfer. Cassiel avait tout détruit.

Baskiel était assis sur le bord de la fenêtre, l'air de s'ennuyer. Il observait ce qui se passait avec dédain. Il y avait une froideur, un détachement qui ne lui ressemblaient pas et qui me mettaient mal à l'aise. Ce visage juvénile n'était pas censé arborer de telles expressions.

Étonnamment, ce ne fut pas Baskiel qui sentit ma présence en premier. Ce ne fut pas la sorcière non plus. Ce fut mon protégé.

Il redressa la tête et se tourna vers moi, ses yeux bleus se rivant dans l'encadrement de porte. Là où je me trouvais.

Je ne pus m'empêcher de sourire.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ? m'apostropha Baskiel. On m'a dit que tu ne reviendrais pas. Que je devais prendre ta place.

Mentir fut trop facile. Ça n'aurait pas dû l'être. J'aurais dû me sentir coupable de lui raconter l'histoire montée par Ariel et Meriel pour le piéger.

Mais j'avais vu son visage. Celui qu'il dissimulait si bien. Et je ne pouvais pas l'oublier.

- Ils ont été un peu trop dramatiques. J'étais juste très fatigué. Dormir sur Terre, ça te recharge vraiment moins que là-haut. Une fois enfermé dans la Serre, ça ne m'a pas pris longtemps pour récupérer.

- Ariel m'a assigné cette charge. C'est mon boulot, maintenant.

- Ce n'est pas ce qu'il m'a dit. Il m'a dit que tu couvrais pour moi le temps que je me remette. Je n'ai même pas eu le temps de réagir qu'il m'ordonnait de redescendre au plus tôt. Le Vertu venait de finir de me dire que je pouvais reprendre le boulot. Je suppose que, comme je connais ma charge, il a préféré me la laisser plutôt qu'à toi. Pour que le travail soit bien fait et rapidement.

La pique finale n'était pas nécessaire. Je ne me connaissais pas si vindicatif. J'aurais dû faire payer Meriel pour son échec à me sauver. Au lieu de ça, je le pardonnais, le réconfortais, et je m'en prenais à Baskiel.

À quel moment mon univers s'était-il à ce point renversé ?

- Ça n'a aucun sens ! s'énerva mon vis-à-vis. C'est ma charge, maintenant ! C'est à moi de m'en occuper ! Je ne suis pas là pour combler les trous !

Le Baskiel que je connaissais n'aurait jamais réagi ainsi. Il aurait été déçu. Il aurait tout de même accepté la décision d'Ariel.

- Il t'en donnera une autre. Ce n'est rien. Ça ne sert à rien de te mettre dans un état pareil. Toutes les charges sont pareilles, tu sais.

Il se rapprocha de moi, un rictus mauvais sur les lèvres, un éclat dangereux dans les yeux. Le turquoise s'était assombri. C'était la première fois que je voyais une telle chose.

A Season In HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant