Chapitre 26

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Ce fut un plaisir de retrouver la maison de mon protégé. Les faibles protections posées par Ava étaient toujours actives et elles me donnaient l'occasion de relâcher quelque peu la tension.

Les deux jours suivants servirent à nous remettre de nos émotions et à prendre des nouvelles de la sorcière et de la chrétienne. La première ne s'était toujours pas réveillée et la seconde avait admis faire d'horribles cauchemars et passer plus de temps à l'église qu'avant. Je ne pouvais malheureusement rien pour elle. Mon protégé était son ami et je n'étais autorisé à agir uniquement sur lui.

J'aurais voulu pouvoir faire quelque chose pour Ava. La réveiller, la soigner... Réparer ce que j'avais laissé survenir.

Je tressaillis lorsque Suriel entra dans la chambre d'hôpital. Il arborait un large sourire, ses ailes plus lumineuses que jamais. Elles paraissaient être entièrement vertes au lieu d'en avoir simplement l'aura. Il vint passer un bras autour de mes épaules.

- Encore toi ?

- Ce n'est pas pour mon protégé, cette fois.

- C'est déjà ça. Qu'est-ce qui lui ai arrivé ?

J'hésitai. J'allais devoir aller avec la version donnée par Ariel. Je ne pouvais pas lui avouer que j'étais certain qu'un démon s'en était pris à elle pendant qu'elle utilisait son pendule. J'allais devoir lui mentir alors qu'il avait toujours été si compréhensif avec moi.

- Le sorcier qui poursuit mon protégé s'en est pris à elle. Les médecins ne peuvent rien faire.

- Un sorcier, dis-tu ? Comment a-t-il fait ?

Je secouai la tête.

- Je ne suis pas sûr. À un moment, elle allait bien, le second, elle parlait d'une voix grave et m'insultait. Elle est tombée inconsciente juste après. Elle ne s'est pas réveillée depuis.

Son sourire s'était fané. Ses ailes avaient perdu tout éclat. Elles pendaient tristement dans son dos. Son bras pesait plus lourd en travers de mes épaules. Le poids de ce que je venais de lui révéler le heurtait de plein fouet. J'aurais dû m'y attendre. Il était si gentil, si connecté à la peine, à la douleur, à la détresse des familles des patients qu'il ne pouvait que réagir à mon récit. Ce n'était pas pour rien qu'il était le Protecteur des Lieux de Soins. Le bien-être humain lui importait. Sous toutes ses formes.

- Je vais tenter de trouver quelque chose, murmura-t-il. Cette pauvre enfant ne mérite pas cela.

- Non, en effet.

Le regard limpide de Suriel se fixa sur moi et je me détournai. Sentait-il ma culpabilité ? Avait-il conscience que je lui mentais ?

- Garde foi, Rahel. Je me doute que ce n'est pas facile. J'ai entendu que tu avais été gravement blessé la nuit dernière.

- Les nouvelles voyagent vite, marmonnai-je.

- Tu as obtenu une mission qui demande beaucoup de toi. Lorsque cette pression pèse trop lourd, rappelle-toi que tu as les Cieux derrière toi. Garde la foi. Si tu as été mis dans cette position, c'est parce que tu es capable d'aller jusqu'au bout. Nous croyons tous en toi.

Je crus lire un message dans la façon dont il prononça ces mots, dont il me regarda droit dans les yeux, dans l'expression de son visage. Savait-il ? Ariel lui avait-il parlé ?

Il dut deviner ma question car il eut un faible sourire et posa un doigt sur ses lèvres. Il tapota mon épaule et s'approcha du lit sur lequel reposait Ava. Prudemment, il passa une main au-dessus de son visage, de son buste, de ses jambes. La concentration sur ses traits les rendait lisses, uniformes. Il me parut fait de cire. Ses ailes frémirent et, brusquement, il éternua. Un son si violent qu'il ressemblait à un cor de chasse.

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