Chapitre 33

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33.
Les autres.

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— Jeongin ! Par-là !

Pas besoin de hurler Hyung, c'est vide ici. Les autres, ils ont repris leur vie.

C'est ce à quoi Jeongin pense en passant la porte du Pumpkin Coffee, sous la voix de Chan qui le hèle depuis l'autre bout de la salle. Dehors le ciel est bleu, mais froid sous l'hiver qui termine de totalement s'installer. Le sol est blanc, les arbres blancs, les routes grises de verglas. La neige est tombée plus d'une fois. Jeongin marche d'un pas encore un peu lourd jusqu'à la banquète où ses ainés l'attendent.

Woojin lui tente un sourire, un sourire cerné, épuisé. Le genre de sourire qui dit « Je vais m'écrouler ». Chan aussi a une tête de mort vivant, et le visage de Changbin est baissé sur sa boisson, seuls ses cheveux corbeaux l'identifient.

C'est ironique, le monde brille, paysage immaculé. Mais en fait c'est noir, c'est lourd et ça dévore. Minho a disparu, puis Jisung, Felix, Seungmin et Hyunjin se sont fait la malle aussi. Et Jeongin est énervé, parce que ça n'a pas pu arriver comme ça. Il a dû y avoir des signes avant-coureurs, des symptômes. N'importe quoi. Les garçons se sont barrés, tout simplement. Et les poings serrés sur une table mortellement silencieuse, Jeongin est énervé.

Jeongin n'a peut-être jamais été proche de Minho, ce n'est pas pour autant que les autres garçons l'avaient délaissé.

Au lycée, ils venaient souvent le voir. Ils mangeaient parfois ensemble à la cantine, flânaient de temps à autres pendant des heures de vide. Jeongin était un peu l'enfant de tout le monde, celui dont on prenait soin, qu'on rassurait quand il ne supportait pas la pression d'être ce que les gens prenaient pour un surdoué. Jeongin n'est pas plus intelligent que qui que ce soit, parfois il se trouve même idiot. Comme maintenant.

Parce que physiquement, il était le plus proche d'eux. Ils faisaient partie du même lycée, Chan et les autres n'auraient rien pu faire, rien remarquer. Mais Jeongin a remarqué les absences répétées de Minho, même s'ils n'étaient jamais ensemble, celle de Jisung le jour de sa disparition. Jeongin a remarqué les regards vides du blond quand il était là, et à la fois ailleurs. Il a vu que beaucoup de choses n'allaient pas. Les yeux tourmentés de Seungmin, comme s'il avait vu la mort. Le mutisme de Hyunjin, et sa piteuse santé pendant la semaine où Lee Minho agonisait à l'hôpital.

Tout disait que d'un jour à l'autre, ça allait exploser. Mais l'enfant a juste regardé.

Jeongin est énervé, car s'il avait insisté pour qu'on lui parle, il aurait peut-être pu agir avant qu'ils ne s'en aillent. Les gens se disent qu'ils se sont fait enlever, qu'ils seraient tombés dans un ravin, qu'il n'est plus que question de temps avant que leurs cadavres ne soient retrouvés. Une connerie du genre, c'est bien une minorité qui pense qu'ils se sont juste cassés.

Jeongin est énervé parce qu'il pense que c'est sa faute.

Mais de l'autre côté de cette table, Woojin sourit encore. Et plus et temps passe plus le sourire s'immole, se fragmente. Les yeux creux, restes de nuits blanches qu'ils ne comptent plus, Woojin se demande où il a foiré pour qu'ils en arrivent là. C'est un fardeau d'être l'ainé de tous, de se sentir responsable de chacun d'entre eux.

Changbin, on ne sait pas. Changbin est silencieux, Changbin n'est pas là.

Et parmi ce tableau morbide, Chan est le seul à directement observer chacun des rescapés, chaque dernière parcelle de ce que leur bande était. Eux ou rien, eux tous ou personne. Minho n'a peut-être pas encore une place conséquente dans son cœur, il sait pourtant qu'il a bouclé la boucle. Il n'y qu'à voir les visages de Jisung et des autres. Minho a fermé la marche, ils sont complets. Et s'il avait eu plus de temps, Chan aurait compris de lui-même à quel point Minho est important.

"Hiraeth" 🔜  Minsung Where stories live. Discover now