Chapitre 14

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14.
Singularité.

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Au fond, j'sais pas trop ce qui m'est passé par la tête quand j'ai demandé ça à papa. C'était sur le moment, pris d'une pulsion qui est retombée bien trop vite. Un peu comme quand on se reçoit un shoot d'adrénaline et que pendant quelques minutes on se sent invincible.

Alors qu'on est littéralement le plus trouillard des êtres humains.

C'est un peu c'qu'il s'est passé quand j'ai demandé à mon père de m'acheter un vélo.

L'adrénaline est retombée quand au petit matin j'ai vu l'engin neuf dans le garage.

« C'est quoi ce truc ? »

Ton vélo fiston.

« Pourquoi j'ai un vélo ? »

T'en voulais un.

Puis mon père est parti pour le travail, juste le temps que je prenne conscience du fait que c'est bien moi le con qui le voulais ce truc à deux roues.

***

Les jours sont passés lentement et sans prises de tête. Le mensonge de la crise d'asthme a bien aidé pour reprendre un cours de vie normal à l'école.

Les mensonges s'enchainent chez Lee Minho. Les doutes aussi, les inquiétudes floues, qui s'estompent sans raisons. Pendant cette semaine, il prend tous les matins le chemin du lycée -à pieds- en compagnie de Felix, et bien souvent ils croisent Hyunjin et Seungmin toujours l'un avec l'autre. Au retour, Minho rentre seul, les quatre garçons font généralement des détours il ne sait où. Même après presque un mois à les observer, Minho a encore du mal à les cerner.

Il ne voit pas beaucoup Jisung le matin, et très rarement à la sortie des cours. Ils se croisent parfois entre deux heures, durant l'interclasse, à la pause déjeuner. L'ambiance à ses côtés est encore un peu étrange, sûrement due aux vestiges de ses crises d'angoisse. L'esprit de Minho renie très souvent ses crises, mais malgré tout son corps s'en rappelle. La douleur, l'oppression, l'anxiété. Dans sa tête ça n'a beau être que des souvenirs flous, son corps a une autre mémoire que rien ne contrôle.

Et ce dernier se souvient qu'il fut un temps où sa présence le faisait souffrir.

Ils se rencontrent dans les couloirs, se saluent, l'un sourit toujours, l'autre jamais. Mais malgré la subtilité de la chose, il y a bel et bien un changement dans leur relation, une entente moins forcée. Deux à trois broutilles, discussions soporifiques, sont échangées, puis ils se quittent.

Puis presque toujours, Jisung fait machine arrière et frappe le dos de Minho du plat de sa main. Et il lui lance un « En fait, j'm'en tape qu'il fasse beau aujourd'hui ! » puis il repart en courant.

Toujours, Jisung s'enfuit toujours. Sans laisser le temps à l'autre de réagir.

Et dans une réalité qui n'existe pas encore, Jisung ne s'enfuit pas. Et il voit que suite à la surprise causée par ses attaques, Minho a parfois un rire silencieux qu'il cache bien vite en remontant son masque.

Aussi, Jisung est rarement seul. Si ce n'est pas avec un des trois autres garçons, c'est avec des camarades, des potes, tout le lycée a sûrement déjà été vu à ses côtés. Rien de bien étonnant. Après tout, comme on l'a déjà évoqué, Jisung a le profil de celui qui est ami avec tout le monde.

Et comme on l'a aussi évoqué, Minho n'aime pas franchement ce genre de profil. Ça n'a pas changé.

Pas de beaucoup.

"Hiraeth" 🔜  Minsung حيث تعيش القصص. اكتشف الآن