Chapitre 3

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3.

Ils sont pas normaux.
____



—      La prochaine fois, Minho, j'aimerais que tu viennes avec nous. Je laisse passer parce que tu es chamboulé par la rentrée.

Minho a hoché la tête, assis en tailleur sur son lit, son ordinateur sur les genoux. Dehors le jour s'était calmé, la lumière s'était adoucie. Il a trouvé la vue du ciel très belle depuis sa fenêtre. Il s'est demandé si depuis le toit elle l'était plus.

A peine une minute plus tard, Minho a vu ses parents sur le pas de la porte des voisins. Il a vu les boites de gâteaux de riz qu'ils ont transporté avec eux. Il a vu une jeune fille les accueillir et lancer des appels. Il n'a pas vu si elle souriait, mais bizarrement il a détecté l'air un peu confus d'un roux qui a aussi fini par se manifester à l'entrée. Lee Felix a appelé ses parents et une seconde sœur, et les deux familles se sont mises à discuter avec entrain. Rapidement, Minho s'est détourné d'eux.

J'essayerai une prochaine fois, ils ont pas l'air méchants ces gens.

Mais quand les « prochaines fois » s'enchainent sans productivité, on appelle ça la procrastination. Et pour relier le tout au social, Minho est passé virtuose.

Puis la nuit est tombée, puis elle a progressé. Lentement mais sûrement, Minho s'est endormi puis entre deux heures brumeuses, il s'est réveillé.

J'ai entendu des cris dans la maison de Lee Felix. Ils étaient pas très fort, et pourtant, on aurait dit que des voix rebondissaient contre les murs de ma chambre. En face, y'avait deux lumières d'allumées, et des silhouettes qui bougeaient d'un bout à l'autre.

Je comprenais pas, ma tête me faisait mal. Ils étaient loin, ils parlaient fort mais même pas assez pour réveiller papa et maman. J'les entendais clairement et ça me perturbait. Ça m'empêchait de me rendormir.

—      Spoutnik, Apollo XVIII, on décolle !

J'ai vu les lumières s'éteindre et le silence m'a frappé. En fait, j'ai pas non plus trop compris pourquoi j'étais encore devant ma fenêtre à écouter ces pitres et leur vocabulaire aussi étrange qu'eux-mê-

Sanguinarius...

Il était minuit.

Sanguinarius.

J'ai plaqué mes mains contre mes oreilles. J'ai fermé les yeux. J'ai senti mon cœur s'affoler.

Puis j'ai vu des choses. Des choses que je pouvais pas décrire entièrement, des lignes déformées, noires, blanches, grises. Des cercles, des rectangles. Sanguinarius. J'ai secoué la tête et mordu ma langue jusqu'au sang.

C'est passé super vite, comme un film en accéléré mais j'ai juste vu des lignes dans un chaos de rien.

Ça recommençait. J'me suis appuyé contre le bois, j'avais le tournis.

En réalité, ça a toujours été comme ça. Des espèces de crises, ce que me disait mon psy plus jeune, avant de me fermer la porte au nez pour de bon.

« Parlons donc de vos hallucinations, Minho. »

« Quand ont-elles commencé ? »

« Ce ne sont peut-être que des rêves. Vous n'arrivez jamais à les décrire, c'est typique des rêves. »

Des rêves.

Des rêves.

Des rêves.

In sanguis tuus veritas est.

—      SPOUTNIK !

J'ai sursauté, mes mains étaient pressées contre mes rideaux et je respirais fort. Dehors, j'ai vu des gens courir sur le trottoir. Il était quatre, et parmi eux, j'ai reconnu la chevelure vive de Lee Felix et le rire sonore de son ami Hyunjin. Sur la route d'automne, ils paraissaient voler. Au-dessus d'eux, c'était un ciel pas très noir, avec des étoiles blanches, bleues, un peu jaunes aussi.

Y'avait un autre rire aussi, venant de cet autre garçon blond qui criait cette fois trop fort, une autre lumière s'est allumée un peu plus loin dans le quartier. Spoutnik ! Spoutnik ! En pointant du doigt des étoiles aléatoires dans le ciel. Et les autres sont venus le tirer par le bras en lui disant de se taire. Felix a empoigné son vélo et les a dépassés. Le blond s'y est accroché pour courir plus vite.

J'm'accroche. J'm'accroche.

Par instinct, j'ai encore articulé ces mots et le blond s'est figé. Pile à l'endroit où ils étaient au plus proche de moi, une distance presque infime. Sur le bout de bitume leurs pieds effleuraient la pelouse que l'automne brûlait.

A ce moment, j'aurais dû comprendre. Comprendre pourquoi pendant un millième de seconde la Terre avait cessé de tourner.

Parce que j'me suis figé aussi, puis quand il a commencé à tourner la tête dans ma direction, j'me suis ratatiné derrière les rideaux. Et le monde s'est remis en marche trop vite, tellement que j'en ai eu le tournis.

—      Hé, Jisung. Ça va ?

J'suis pas sûr de ce que « Jisung » a répondu, j'me suis assis au sol et j'ai attendu qu'il y ait plus de bruit. Pendant un instant, j'ai cru que mon cœur allait exploser. D'un seul coup, c'est sorti de nulle part. Et pourtant, j'avais même pas vu son visage. Et pourtant, j'ai déjà oublié le son de sa voix.

Et même quand y'a plus eu aucun son, j'ai pas pu bouger. J'suis resté cloué là, la boule au ventre et les idées en vrac.


***

Mon chapitre a été supprimé, j'suis dégoûtée. J'le reposte.

"Hiraeth" 🔜  Minsung Where stories live. Discover now