Chapitre 10

2.5K 79 1
                                    

Les mains agrippées au volant, Ken ne prononce pas un mot, les jointures de ses doigts sont blanches tellement il sert le volant. Ses lèvres sont pincées, par moment il se mord la lèvres inférieure comme pour s'empêcher de parler. Depuis que nous sommes parti il n'a pas dit un mot, et ce silence, rempli de charge émotionnelle autant pour lui que pour moi renforce mon angoisse déjà présente d'être dans une voiture. La sueur commence a perler sur mon front, les premiers spasmes font leurs apparitions. J'essaie de me contrôler tant bien que mal,  mais c'est peine perdu. Je replie les genoux contre mon abdomen, et me berce, mais rien n'y fait.
Ma respiration est saccadée, un boule coincée dans ma gorge m'empêche de respirer convenablement, je suffoque.
Mes démons ont prient le dessus, j'ai sombré en enfer. Je ne contrôle plus rien, impossible de revenir en arrière. Je suis plongée au coeur des ténèbres, au coeur de mes peurs, de mes angoisses. Il fait chaud, très chaud mais un courrant d'air me glace sur place, cette brise contient des pleurs, des cris, des murmures, des visions d'horreur. Le jour, la nuit, puis encore le jour suivit de la nuit dans un éternel recommencent. Le visage de mes parents, si beaux au début puis avec le temps décharnus. Je suis spectatrice de mon enfer, je ne peux rien faire.
Des bourdonnements me parviennent, est-ce de la musique ? Une voix ?  Je ne peux le dire, mon esprit est bien trop loin de la réalité. Mais mon corps est présent, je sens une pression sur ma cuisse, une main qui passe sur mon visage, dans mes cheveux, c'est apaisant, mais je suis partie trop loin, je n'arrive plus a revenir.
Je sens qu'on me porte, avec toujours des bourdonnements, ou plutôt une voix, oui, c'est une voix, mais je ne comprends pas.
Je suis au porte de l'enfer, ça  tombourine, tam- tam- tam ... tam - tam- tam ... ce son me plait ... tam- tam- tam ... tam- tam- tam ... on me berce ... tam-tam - tam ... une voix me parvient... tam-tam-tam, je m'accroche a ce son qui me rassure, tam-tam-tam, tam-tam-tam, ma vue revient petit à petit,  la voie est plus claire,  c'est celle de Ken, il ne parle pas, il rap, Plume. Les sons que j'entendais sont son rythme cardiaque. Mon esprit se détend, mon corps aussi, il est assis sur le sable, devant la mer, moi sur ses jambes, mon visage collé a son torse, d'une main il me tient la tête plaquée contre lui, de l'autre, il enveloppe mon corps. Je suis revenu dans la réalité, je tiens toujours le tee-shirt de Ken comme une bouée de sauvetage. C'est ce qu'il a été, mon sauveur. Une telle crise ne passe jamais seule, et encore moins aussi vite.
Mon corps est détendu, Ken doit le sentir car il arrête de rapper. Il m'embrasse le haut de mon crâne.

- tu m'as fait  putain de peur ! Me souffle-t-il.
- je suis désolée
- non, c'est moi, j'étais tellement aveuglé par ma colère que j'ai pas pensé a ouvrir les fenêtres et mettre de la musique.
- c'est pas grave...
- tu te sens mieux ?
- oui, ça va ... merci pour ... de m'avoir ... aider.
- j'étais en stress grave, je ne savais pas quoi faire, je me sentais totalement impuissant.
- tu as bien géré, crois- moi. En temps normal, je serais encore de l'autre côté.
- est-ce que tu fais souvent ce genre de crise ?
- des angoisses ... oui
- ça fait longtemps ?
- d'aussi loin que je m'en souvienne...
- et ... euh... c'est du à quoi ?
- juste je m'en remet, est-ce qu'on pourrais parler d'autre chose ?
- oui, désolé

Les bruits des vagues qui s'échouent sur le sable meublent le silence de nos paroles. Il n'avait dit de venir le rejoindre pour le sauver, mais finalement ça a été le contraire. Comment vais-je pouvoir l'aider avec mon esprit torturé ?

- je te raconterais mon histoire un jour, pour que tu puisse comprendre mes crises d'angoisse, dis-je.
- j'aimerais beaucoup.

A nouveau il m'embrasse le crâne. Tant de choses sont a mettre au clair entre nous, mais actuellement, seule notre étreinte est importante. Deux âmes torturées sur une plage, a regarder les étoiles, sans dire un mot, juste a ressentir la chaleur de l'autre. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ainsi, c'est bizarre comme des secondes peuvent paraître être une éternité et comme des heures peuvent paraître être des secondes. Ces instants qui sont tellement précieux mais qui ne durent jamais assez longtemps et pourtant, pendant ces instants on a l'impression que le temps c'est arrêter tellement le sentiment de plénitude est atteint. Mais il y'a toujours quelque chose qui stoppe net ces moments, et pour nous c'est la sonnerie de mon téléphone.

- c'est Chloé, il faut que je réponds elle va s'inquiéter.

Il acquiesce de la tête.

- allo ?
- ma chérie, tout va bien, ça fait trois heure que tu es parti.
- oui, tout va bien
- tu es où ?
- sur la plage
- tu veux que je vienne te chercher ?
- non, c'est bon,
- Julia, c'est peut etre pas très prudent d'être toute seule sur une plage à  une heure du matin
- je suis pas toute seule en fait
- comment ça ?
- j'ai rencontré quelqu'un
- un mec ?
- oui
- Julia fait attention, j'aime pas trop ça
- t'inquiète pas tout va bien
- si je m'inquiète, tu es seule avec une mec que tu viens de rencontrer isolé sur une plage.
- c'est pas un inconnu
- je comprends plus rien
- écoutes je te raconte tout quand je rentre, je vais pas tarder.
- ok, mais je te previens, je te donne une heure
- oui maman
- je rigole pas Julia, si dans une heure tu n'es pas rentrée, je retourne la ville
- c'est bon, ça va, dans une heure, promis.
- bien, à toute

- donc, il nous reste une heure, intervient Ken
- oui, elle s'inquiète...
- tu veux marcher un peu ?
- non, je suis bien dans tes bras

Cette dernière phrase lui donne le sourire. Je reprends ma position initiale, dans le bras de mon sauveur.

- je suis désolé d'être parti comme un lâche, c'est juste que ....j'ai eu peur.
- peur ? Mais de quoi ?

Moment de flottement...

- de toi.
- c'est vrai que je suis impressionnante ! Ironise-je
- ah tu crois ça ?
- c'est toi qui le dit ! Et je confirme, alors fais gaffe a toi !
- la p'tite princesse est sûre d'elle.
- tellement, je te matte

Dans un mouvement d'une rapidité incroyable je me retrouve plaquée au sol, Ken sur moi.

- et là ? Tu fais moins la maligne ?

Son visage est magnifique, ses yeux éblouissants, on se regard avec intensité, l'air devient électrique, il se mord la lèvre, ok j'ai perdu, incapable de résister, c'est même pas une envie, c'est une nécessité

- embrasse moi, je murmure

Ses lèvres viennent délicatement se poser sur les miennes. Nos langues se caressent, ce baiser est doux, passionné, rempli d'excuses et de promesses.

Open MicWhere stories live. Discover now