Chapitre 5

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Quand je me réveille, la première chose que je fais c'est regarder mon téléphone, j'ai un message de Ken : je viens de finir, suis mort ! Je t'appelle demain, bonne nuit bébé. Il me l'a envoyé à 4h30, soit une demie-heure avant que je me lève. Je lui réponds : dur la vie d'artiste ! Je me lève pour aller bosser, bonne nuit, bisous.
Je me lève pour me préparer un café, c'est la base à 5 heures du matin ! Mon portable sonne, c'est Ken

- allô, je commence
- hé bébé, ça va ?
Sa voix est plus grave que d'habitude
- ouais, super et toi ?
- je suis K.O. on a fait les repètes puis on a enchaîné en stud.
- en stud ?
- ouais en studio
- ah, oui. Je n'ai pas tout le vocabulaire artistique je crois.
- ça viendra... tu finis à quelle heure ?
- à 15 heures
- ok, on se voit ce soir ?
- je ne peux pas ce soir
- ouais genre
- vraiment je peux pas
- c'est quoi ce délire ? T'a une soirée ?
Son intonation de voix a changer, elle est sèche.
- un lundi ? Non je bosse demain
- alors quoi ? Tu va voir quelqu'un ?
- on peut dire ça...
- t'as un rencard ?
- on ne peux pas appeler ça un rencard, mais oui je vais quelque part.
J'ai envie de le faire tourner en bourrique.
- Julia, c'est quoi le délire là ?
- il n'y a pas de délire, je ne suis pas dispo ce soir c'est tout.
- tu va voir un mec ? Son ton est cassant.
Je rigole de plus belle.
- mais non, je vais à mon cours de yoga, détends-toi
- je suis pas tendue !
- mais bien-sûr !
- tu fais ce que tu veux
- je ne vais pas voir de mec, je vais vraiment a mon cours de...
- je m'en balance de ce que tu fais ! Bon je te laisse.
- Ken attend

Trop tard, il a raccroché. Fait chier, je ne pensais pas qu'il réagirait comme ça. Sa voix était tellement cassante et colérique.
De l'entendre de bon matin, m'avait égayé ma journée, mais là je me sens pas bien. Je lui envoie un message : je suis désolée, je ne voulais pas t'énerver, bisous.
Je me prépare et pars au travail.
La journée passe vite, malgré un homme qui a passé ses nerfs sur moi, car il trouvait que l'attente était trop longtemps, j'ai eu le droit à plusieurs insultes, comme connasse, salope. J'ai dû appeler la sécurité mais bon, on va pas dire que c'est quotidien, mais récurrent ! Je peux comprendre les patients, c'est vrai que l'attente est parfois plutôt longue, mais nous devons aussi faire face à des urgences absolues, où la vie de personne en dépend. D'ailleurs une heure après cet incident, les pompiers nous ont amené une jeune femme de 26 ans qui se plaignait de fort maux de tête, pendant le transport elle a perdu connaissance, à son arrivée malgré les soins prodigués, elle n'a pas survécu, elle a fait une rupture d'anévrisme. 26 ans, elle avait la vie devant elle, elle avait mon âge. Je dois avouer que mon moral en a pris un coup. À la fin de ma journée je vais dans les vestiaires me changer, quand je sors, Ben m'attend dans le couloir.

- dure journée, me dit-il
- ouais, pas facile
- on mange un truc en face ?
- volontiers !
J'ai besoin de me vider la tête et puis nous n'avons pas eu le temps de manger. Dans les couloirs de l'hôpital qui mènent à la sortir, nous parlons encore de cette jeune femme, car nous savons tous les deux qu'une fois passées les portes de l'hôpital les histoires de nos vies professionnelles restent derrière celle-ci, c'est la règle entre nous, ne jamais parler boulot après le boulot. Il faut préserver nos propres vies de toute cette souffrance que l'on peut voir et ressentir à l'hôpital sinon le burn out te guettes de près.
À l'extérieur, nous prenons le chemin du bistro, Ben me raconte son week end, une voix m'interpelle

- Julia !
Je me retourne, il est là, il me fait face, et son expression est fermée.
- Ken, mais qu-est-ce que tu fais là ?

Je m'approche de lui, mais il fait un pas de recul.

- je suis venue te chercher, mais apparemment tu es bien accompagnée.

Il fait un geste de la tête en direction de Ben.

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