13 - Bain de minuit.

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13 – Bain de minuit.

ASYAT BROWN

Samedi 21 mars 2015

Le printemps avait fini par arriver sans pour autant amener avec lui une vague de températures saisonnières. Les débuts étaient timides et la pluie assez fréquente.

Contrairement à sa situation précaire et aux messages qu'elle était tenue d'envoyer en permanence à l'agent, les quatre dernières semaines qui étaient passées depuis le décès de sa mère s'étaient déroulées dans un calme plutôt apparent. Elle en était même venue à se demander si toute cette liste noire n'avait pas été un long cauchemar.

Elle s'était tout récemment mise à travailler dans un bar avec des horaires assez difficiles mais justifiés par une bonne paie à la fin du mois. Herta avait quant à elle replongé dans son monde à la fois fascinant et effrayant, trop peu confiante pour oser adresser son curriculum vitae à quelque endroit que ce soit. Le prix des obsèques de sa mère avait directement été prélevé sur son livret A, les pompes funèbres étant le seul organisme autorisé à prélever sans accord préalable de l'argent sur un compte bancaire appartenant à un défunt.

Ce jour-là, elle avait été réquisitionnée afin de servir les clients jusque tard le soir. Les journées de l'agent paraissaient tout aussi remplies avec pour cause la fusion de plusieurs services secrets dont la DCRI dans le but de devenir la DGSI. 

Asyat avait limité ses messages au strict nécessaire. Au fil des semaines, sa compréhension et sa reconnaissance envers Rizvan Arzamastsev s'étaient significativement accrues. Elle avait compris qu'il avait accepté de mettre sa vie entre parenthèses à son service, ou du moins à celui de son métier. 

La jeune femme leva le regard face à l'immensité des cieux enveloppant d'un manteau sombre la ville lumière qui brillait de mille feux. Elle décida de longer les quais de Seine, faisant fi des recommandations de l'agent. Le fleuve reflétait les milliers de faisceaux lumineux colorés environnants et les formes floues de larges péniches se distordant au rythme des vaguelettes clapotant contre les marches humides.

L'air frais nocturne lui donnait l'impression de renaître et le calme qui s'était progressivement abattu sur les lieux la berçait agréablement.

Elle s'assit sur la première marche, gardant une distance raisonnable avec l'eau au taux de pollution tristement élevé. Elle retourna son portable dans le creux de ses paumes et répéta plusieurs fois le même geste, mécaniquement.

Les pulsations de son cœur devinrent plus intenses et rapides à l'entente d'une voix masculine.

_ Dernier rappel.

Elle eut à peine le temps de tourner la tête qu'on l'avait précipitée dans le fleuve. Elle s'accrocha de toutes ses forces à une marche. Il arborait une capuche et s'approchait de plus en plus, bien décidé à écraser ses mains.

Dans un effort surhumain, elle saisit sa cheville et l'attira vers elle. Il bascula à sa rencontre. Elle agrippa le téléphone resté sur les berges et composa le 1 en appuyant sur le téléphone vert. Tandis qu'il commençait à émerger de l'eau et qu'elle tentait de se redresser, elle éleva la voix afin de transmettre le signal d'urgence de sorte à ce que le son parvienne jusque son portable.

Elle fut ceinturée au bassin avant de pouvoir esquisser le moindre geste. S'ensuivit une strangulation des plus pénibles. Cours d'arts martiaux ou non, personne ne pouvait lutter contre une attaque par surprise. Elle tenta tant bien que mal de lui asséner un coup de coude mais l'eau ralentissait ses mouvements. Alors que ses poumons menaçaient d'éclater et que la baisse d'oxygène fulgurante affaiblissait son cerveau et ses mouvements, ses mains la lâchèrent en comprenant qu'une péniche fonçait droit sur eux.

« Liste noire. »Where stories live. Discover now