« Liste noire. »

9 - Herta Eisenmann.

9 – Herta Eisenmann.

RIZVAN ARZAMASTSEV

Il raccrocha tout en gardant une fenêtre de navigation ouverte sur la carte satellite afin d'être sûr que la jeune allemande se rende bien chez Asyat Brown. C'était probablement la meilleure chose à faire pour que l'enquête puisse avancer.

Particulièrement pensif cette nuit là, il s'interrogeait sur la manière dont il pourrait amener la nouvelle du meurtre de son professeur à la cible sans causer trop de peur et d'anxiété.

Après avoir répondu à un message de sa petite-sœur qui datait d'au moins deux jours, il passa les mains sur son visage, les yeux le piquant légèrement. Il manquait cruellement de sommeil depuis le début de l'affaire Brown, mettant ses nerfs à rude épreuve.

Quelques minutes défilèrent avant qu'il ne fronce les sourcils, alerté par l'absence de mouvements d'Eisenmann. Il allait la contacter lorsqu'il se ravisa. En supposant qu'il lui soit arrivé quelque chose, le téléphone atterrirait probablement entre de mauvaises mains, en allant du gangster lambda à ceux qui en avaient après Asyat Brown.

Alors qu'il suivait sa progression avec attention, le point se remit en mouvement avant que le signal ne s'éteigne brusquement. 

Il nota mentalement d'appeler un de leurs officiers de police qui avaient le pouvoir de vérifier les entrants dans les hôpitaux environnants. 

Rizvan Arzamastsev vérifia sa messagerie. Un message provenait d'Abel. 

« RAS du côté de la petite, elle se méfie juste pas assez de la nourriture extérieure. Elle aime trop ça. Mais elle parle jamais. J'aime trop parler, je sais pas comment elle fait. Des nouvelles ? »

Il ne connaissait visiblement pas la peur de l'inconnu, lui. Il n'avait pas eu une vie difficile, pensa l'agent.

« T'as raison, tu jacasses beaucoup. RAS. »

Après un coup de fil infructueux passé au domicile des Brown, il jeta un coup d'œil au document informatique sur lequel il avait soigneusement retranscrit sans exception tous les noms et dates de naissance des personnes visées. S'ils choisissaient de suivre scrupuleusement l'ordre de la liste, la personne qui avait désormais le plus à craindre se trouvait être un certain Aleksandr Beterbiyev. Frustré de ne toujours pas avoir découvert pourquoi ce nom lui semblait si familier, il rassembla ses affaires avant de sortir de son appartement. Il prit le volant à deux heures vingt du matin, luttant contre la fatigue.

*  *  *

ASYAT BROWN

Elle se réveilla brusquement, toute transpirante, la gorge serrée. Elle eut besoin de quelques minutes pour se calmer, la lumière allumée. Des cauchemars aussi violents que celui-ci ne lui avaient pas rendu visite depuis bien longtemps. En règle générale, elle sommeillait sans vraiment se rappeler de ses rêves. 

Elle se leva pour aller boire un peu d'eau et se rafraîchir le visage. Elle était passée en mode survie en se terrant ici, ce qui la tuait intérieurement petit à petit. Elle n'avait qu'une envie, celle de retrouver Herta et d'aller s'éclater dans la capitale. Et pourtant, elle devait actuellement se méfier de tout à toute heure de la journée et de la nuit. Elle vivait sans nouvelle de son père et ne cherchait pas à en avoir de sa mère. Tout avait déjà été dit.

Elle descendit les escaliers précautionneusement et se dirigea directement vers le salon, convaincue qu'elle ne réussirait plus à trouver le sommeil.

Elle fût surprise de trouver Abel, la tête plongée dans des tas de papiers, devant son ordinateur. Lui ne la remarqua pas directement. Elle s'installa discrètement devant le poste allumé. Au bout de quelques secondes, il leva la tête et leurs regards se croisèrent furtivement.