12 - Quitte ou double.

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12 – Quitte ou double.

Vendredi 27 février 2015


Un tas de personnes inconnues se mirent à défiler devant sa porte à toute heure de la journée. Toutes étaient différentes mais avaient pour but commun de lui soutirer un maximum d'argent. Il y avait les obsèques, la banque, les huissiers mais aussi les choses qu'on attendait d'elle, à savoir contacter un millier de numéros téléphoniques afin de résilier les divers contrats auxquels sa mère avait souscrit de son vivant.

Des personnes du voisinage s'étaient elles-mêmes invitées à l'enterrement de sa mère alors que son propre père n'y avait pas assisté. À cause de ses silences répétitifs à n'en plus finir, elle n'était plus vraiment en état de différencier qui était mort de qui ne l'était pas.

Elle s'était vêtue sobrement, n'attendant la compagnie de personne. Et lorsque des têtes avaient commencer à affluer et vouloir établir un contact physique un peu trop brusque pour elle, Asyat avait reculé, apeurée. Elle ignorait qui était qui, tout s'embrouillait à l'intérieur de son cerveau. Elle n'avait pris la peine de rédiger de faire-parts qu'à ses plus proches amies qui avaient même eu le privilège de venir manger à la maison à une époque où sa mère vivait plus dehors qu'en intérieur.

Trop isolée dans son malheur, elle n'avait relevé la tête de ses chaussures qu'à la fin de l'enterrement. Les tapes et bourrades dans le dos auraient pu emporter d'un coup de vent son corps contre le sol tant ses jambes tremblaient.

Elle se résigna à remercier du fond du cœur ces personnes qui avaient plus de courage et de présence que son père. Les bras chargés de bouquets de fleurs tantôt splendides, tantôt plutôt modestes, elle fit fréquemment des allers-retours entre le lieu où reposait sa mère et celui où se tenait maintenant la petite foule compacte, agglutinée au portail du cimetière.

N'ayant pas organisé de repas, elle les vit tous peu à peu se disperser afin de retourner à leurs occupations quotidiennes. Demain, certains auraient une pensée pour elle. Dans une semaine, les souvenirs et les pleurs se raréfieraient. Dans trois mois, Nourset Aslanova aurait définitivement péri à l'intérieur des esprits. Ainsi allait la vie.

Elle s'agenouilla à même les graviers, devant sa demeure éternelle.

_ Maman...

Sa gorge redevint douloureuse alors que les mots s'égrenaient petit à petit, passant avec difficulté la barrière de ses lèvres.

_ Je ne savais pas qu'on pouvait pleurer plusieurs jours d'affilée.

Elle observa un silence, luttant contre ses émotions.

_ J'aimerais savoir qui t'a enlevé la vie, ce serait tellement plus facile pour moi d'extérioriser avec la haine. C'est ce qui est toujours arrivé. Je ne sais pas ce que je vais devenir, ni ce que tu es devenue. Je suis pas douée pour faire l'hypocrite. Je te dirai pas maintenant que je ne peux plus te voir...

Elle écrasa une larme avec son index avant qu'elle n'atteigne son cou. Les pleurs lui donnaient plus la nausée qu'ils ne la soulageaient, ils la rendaient affreusement mal à l'aise, désemparée. Quel était le con qui avait assuré qu'ils avaient un pouvoir libérateur ?

_ Et pourquoi est-ce que t'as commandé des chaussures avant de mourir ? Ils ne veulent plus me rembourser. Et ton forfait mobile ? Si tu savais à quel point c'était facile de nous réclamer de l'argent... Quand c'est nous qui demandons un remboursement, il faut se plier à plat ventre et attendre 3 mois pour percevoir un vieux chèque de 20 euros... Je fais plutôt pitié à parler à des fleurs.

« Liste noire. »Where stories live. Discover now