4 - Métamorphosée.

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4 – Métamorphosée.

ASYAT BROWN

Vendredi 28 novembre 2014

Elle n'arrivait plus à regarder sa mère avec sincérité, rien n'y faisait. Asyat Brown était tombée les pieds joints dans le piège dont elle se sentait auparavant protégée, immunisée. 

Elle commençait lentement à saisir pourquoi l'argent faisait tant tourner la tête et pour cause, il ne lui avait pas fallu plus d'une semaine pour plonger dans la folie du monde de l'allemande. Un monde où on parlait argent, on respirait argent, on roulait de bons gros joints avec des billets jaunes. Ce monde à l'atmosphère superficielle qu'elle avait toujours fui lui tendait les bras et elle s'y accrochait piteusement.

Parmi tout ce qui rapportait le plus de billets, il y avait le choix entre la drogue dont elle connaissait l'odeur par cœur dans le quartier où ses parents avaient élu domicile et la prostitution dans des établissements entre guillemets spécialisés. 

_ Elle est où ta mère ?

Elle avait une flemme monstrueuse de mettre en mouvement ses lèvres. Elle observa un silence.

_ Et va te préparer, que tu sois au moins un peu crédible une fois dans ta vie.

_ Ferme la. Laisse moi assimiler ton mode de vie.

_ Pauvre petite chose. Tu seras jamais prête à te taper mes soirées.

Ces fameuses soirées mondaines desquelles elle revenait toujours complètement déchirée. Elles avaient une opinion diamétralement opposée par rapport au sujet.

_ Bon, tu veux te faire cette thune ? Je suis en train de t'offrir ton rêve.

Elle marmonna quelque chose de sûrement incompréhensible à ses oreilles, du fond de son matelas qui faisait office de lit.

Ses mains cherchèrent le sol puis elle finit par s'extirper avec difficulté de ses couvertures, son cerveau lui faisant payer cher ses trop nombreuses heures passées dans un lieu extrêmement bruyant, la veille.

_ Tu vas seulement me faire choper un cancer.

Sur ces paroles, elle se dirigea en titubant vers la salle de bain. Son regard se posa sur un teint cadavérique et des yeux cerclés de cernes violets. Elle s'imagina un instant se pointer face au type qui l'entretenait (il faut dire ce qui est même si c'est extrêmement rabaissant) avec cette allure. Et à vrai dire, il lui aurait probablement claqué la porte au nez de toute sa force.

* * *

Elle avait beau examiner la salle dans tous les moindres petits recoins, Asyat avait l'impression d'être la seule à jouer un rôle. Soit elles étaient de très bonnes comédiennes, soit elle était le seul imposteur de la scène.

Elle avança à reculons, réprimant un haut le cœur à la vue de tous ces genres dont les personnes présentes s'affublaient. Qui paraîtrait le plus riche, le plus distingué ? Telle était la question de la soirée. Et cela se répétait inlassablement pendant les jours qui suivaient.

Elle pensa brièvement à l'acompte énorme d'environ trois mille euros qu'elle devait avancer sous quinze jours. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle était ici. L'homme en question n'était sûrement pas aussi fortuné pour lui fournir la somme nécessaire. Elle se méprisait déjà à l'idée d'aller mendier le moindre centime.

Le jeune homme se leva, une fois leurs regards rencontrés, et tenta de déposer un baiser sur ses lèvres. Cherchant à éviter à tout prix la réaction de recul qui l'avait secouée trois jours plus tôt, elle se laissa faire, estomaquée. Elle s'assit en déployant un effort considérable sans parvenir à effacer totalement son air blasé.

« Liste noire. »Where stories live. Discover now