𝘿𝘼𝙍𝙆𝙇𝙄𝙂𝙃𝙏

04 | party

04 septembre - 15 octobre 2017,
Dortoir de BigHit,
Séoul, Corée du Sud

Nous avions enchaîné les scènes coréennes pour promouvoir Boyfriend Material et contre toute attente, beaucoup de gens avaient aimé. Le clip venait de dépasser les trente millions de vues, c'était un peu fou pour nous six, mais apparement ce n'était pas si énorme pour un début de groupe. Nous avions terminé la promotion et je devais dire que j'étais déjà fatiguée, mais il ne fallait plus s'arrêter. Je m'étais remise au sport avec Jeen et Joh, on se levait tous les jours un peu plus tôt que les autres pour aller courir, ce qui était pour moi une véritable épreuve étant donné que j'avais toujours été une dormeuse. On s'était renseignées pour une sorte de régime et Johanna nous avait trouvé un programme comme elle le faisait déjà elle, c'est à dire des repas à base de graines et de plantes. Je faisais du yoga avec Fiona et Luna sous la surveillance de l'italienne et on rigolait plus qu'autre chose. Nous passions de belles après-midi, au dortoir ou dans la salle de danse, à s'essayer à de nouvelles poses toutes plus loufoques les unes que les autres.

Mais le repos fut de court repos car bientôt, nous retournâmes au studio pour enregistrer notre second single, ainsi qu'un EP devant sortir au mois d'octobre. On appris nos différentes parties en une semaine, et deux semaines plus tard l'album était prêt. On fit des photoshoots pour l'EP et pour des marques américaines, puis on retourna sur scène avec un titre tout aussi « frais » et « cool pour la fin de l'été », comme le disaient les présentateurs.

PARTY plu d'avantage, si bien que les vues pour notre clip montèrent plus rapidement. On fut invitées sur des plateaux télés coréens, comme Weekly Idol ou After School Club. C'était plutôt cool, les gens commençaient à apprécier notre travail, mais plus les mois passaient, plus j'avais l'impression que nous n'étions pas dans notre assiette. Johanna avait encore maigri déjà qu'elle n'était pas bien grosse. Jeen passait son temps à manger, ce qui était paradoxal car elle ne prenait pas un gramme. Alma (ou Jal, son nom de scène) se défoulait dans la salle de danse mais des fois on ne la voyait pas de la journée. Fiona s'enfermait dans sa chambre et ne sortait que le soir pour manger avec nous, quant à ma meilleure amie, elle parlait la plupart du temps avec son copain qui était resté en France, Axel, et certes nous rigolions toujours mais moins qu'avant. Je voyais petit à petit notre groupe s'éloigner les uns des autres, et ça me faisait mal car je ne pouvais rien y faire. Ça ne faisait même pas un an que nous étions toutes ensembles mais déjà, des tensions se faisaient sentir entre certaines d'entres nous. Alma et Johanna avait de plus en plus de mal à s'entendre et Fiona et Jeen s'étaient aussi disputées pour des broutilles plus d'une fois. La pression, les critiques, le manque de sommeil et le fait que nos familles respectives nous manquaient horriblement n'arrangeait rien.

Ce fut inespéré mais l'agence nous laissa repartir dans nos pays pour revoir nos familles deux semaines, le temps que la cérémonie des Mnet Asian Music Awards n'arrive. J'étais soulagée. Je pris l'avion avec Cam, on était crevées et on voulait juste dormir, mais le décalage horaire et l'excitation de revoir nos parents prenaient le dessus, les nerfs nous tenaient.

Je sautai dans les bras de ma mère à l'aéroport de Bordeaux. Je n'en revenais pas, pour moi ça faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu... Elle retint quelques larmes, mon père fit pareil, car ce n'était en aucun cas dans nos habitudes de pleurer pour un rien, surtout en public.

- Asticot ! ris-je en ébouriffant les cheveux de mon petit frère qui se mit à râler.

- Tu me décoiffes Chris ! s'écria t-il en cherchant tout de suite après un miroir pour se recoiffer.

Du haut de ses onze ans et demis, il me faisait rire, avec ces trucs d'ados pré-pubère, les mêmes que les miens il y avait quelques années. Je pris la mère et le petit frère de Cam dans mes bras alors que nos deux familles étaient enfin au complet. Il manquait toujours le père de ma meilleure amie, mais c'était un sujet classé « connard de première », alors il valait mieux ne pas en parler. De toute façon, tout le monde s'en foutait. On partit au restaurant pour fêter les retrouvailles.

- Alors, qu'est-ce que vous avez pensé de notre premier album ? demanda Cam après le plat principal.

En passant, retrouver la cuisine française ne m'avait jamais fait autant plaisir. Je me régalais, toute sourire, heureuse d'être loin de la pression médiatique et des problèmes de travail.

- C'était pas mal, dit franchement Céline, la mère de ma meilleure amie, sans relever les yeux de son assiette.

J'eu un petit sourire en voyant les têtes dubitatives de mes parents.

- T'avais une de ces têtes sur les photos, ça m'a fait rire, rit mon petit frère alors que je menaçais de le décoiffer une nouvelle fois.

Comme un silence s'était installé et que nos parents trouvaient ça « gênant », vu leurs têtes, on se regarda avec Cam et on éclata de rire. Ça les fit relever la tête.

- Pas de problèmes si vous n'avez pas aimé, on n'aime pas non plus, déclarai-je dans un sourire.

- Donc vous faites de la musique que vous n'aimez pas ? Je ne comprends pas vraiment le principe des chinois là, répondit mon père en fronçant les sourcils.

On éclata de rire, mais au fond, je savais pertinent qu'il était déçu et se sentait concerné par l'avenir et le bonheur de sa fille. Ça devait l'inquiéter qu'on puisse nous imposer des chansons que nous n'aimions pas.

- C'est comme ça pour la plupart des groupes qui commencent là-bas, mais on ne se plaint pas. On compte commencer à proposer des idées de chansons pour le prochain album, donc on espère qu'ils nous écouteront, expliqua Cam en buvant une gorgée de son soda.

- Et les filles sont gentilles ? Vous arrivez à vous comprendre ? demanda maman qui s'intéressait davantage au côté humain des choses.

On se regarda une nouvelle fois avec Cam. Comment résumait l'affaire ? Des sourires resplendissaient sur nos lèvres.

- Elles sont toutes super, vraiment, de très bonnes personnes, commençai-je. J'avais un peu peur qu'on ne puisse pas s'entendre puisqu'on était quand même six, mais dès le début, on a tout de suite commencé à rire ensemble, elles sont vraiment en or.

- Et pour se comprendre franchement ça va, perso j'ai du mal avec l'anglais hein, comme vous savez, hum, hum... blagua Cam alors que sa mère faisait les gros yeux.

- Qu'est-ce que je t'avais dit au lycée ? Apprends ! Tu m'as pas écoutée, voilà !

- Mais on arrive quand même à se comprendre et puis j'ai mon Google Trad' perso avec moi, rit Cam en passant un bras sur mes épaules.

Ils avaient plein de questions à nous poser, sur le pays, l'attitude des gens, comment notre groupe et l'agence marchaient, comment étaient les adultes et si tout allait bien. On raconta tout, nos entraînements, nos délires avec les autres filles, notre amitié naissante avec les Bangtan, notre prochaine prestation dans cet énorme show qu'était le Mnet Asian Music Award...

C'était une bouffée d'oxygène. Ça faisait un bien fou de tous les retrouver, et ceux pour deux semaines. J'étais vraiment bien chez moi, dans mon lit, à retrouver mes amies, dont Mel et Léa, tout était parfait. Sauf qu'au bout d'une semaine, déjà, tout me manquait. Et je remarquai que c'était pareil pour Cam. Au final, nous étions pressées de repartir, de recommencer les performances et reprendre notre vie un peu spéciale. C'était une drogue, tout simplement car c'était notre rêve que nous touchions du bout des doigts.

party - girls generation