- Papa, tu écoutes moi là ?!

S'écria la petite rousse alors qu'elle essayait de monter sur le banc depuis plus de cinq minutes pleines, tirant Tom par le pied de ses pensées. Ce dernier attrapa la fillette et la hissa prêt de lui tout en s'excusant, la laissant balancer ses pieds en soupirant, soudainement bien sage. Son petit nez froncé, tout retroussé. Son visage qui s'était un peu affiné au fil du temps, et ses tâches de visage qui complétait sa frimousse. Sa vénusté évidente, qui en ferait une jolie femme, et ses petites robes dont elle ne prenait absolument pas soin remplacées par une salopette de garçon, celle avec laquelle il l'avait vu pour la première fois et qui commençait à être bien trop petite. Petite, Solange l'était. Autant en taille que dans sa tête. Elle allait avoir 6 ans et subissait ce retard étrange qu'on aurait pu attribuer à l'état de couve de Tom qui l'avait toujours protégée de tout. Elle ne savait ni lire, ni écrire, et écopait seulement de cette légèreté et ce sourire édenté ravageur qui lui permettait d'obtenir tout ce qu'elle voulait. La fillette semblait contrariée, les mains posées sur ses joues, les coudes sur ses genoux, l'air absent.

- Tout vas bien princesse ?

Questionna le fumeur, en faisant crachoter sa pipe en bois. La dite princesse boudeuse soupira, exagérant ses gestes exprès.

- Billou est tout malheureux !

S'exclama-t-elle d'un drôle d'air, peinée. Le jeune homme fut surpris par cet aveux ; qu'elle ne s'en rende que maintenant le rendit encore plus étrange. Elle devait avoir découvert quelque chose en particulier.

- Malheureux ?

- Oui ! C'est ton namoureux tu devras être gentille avec lui parce que là il a pleins de bobos !

Le soldat fut touché par les mots de l'enfant, et prit son rôle de namoureux très au sérieux. Il se devait de protéger Bill, seulement, il craignait que la chose de laquelle il doive le protéger soit en fait lui-même.

- Il a pleins de bobos moches sur là !

Soupira la petite fille en touchant le torse de son aîné qui fronça les sourcils, intrigué. Il la prit sur ses genoux en faisant attention à sa jambe morte et demanda, absolument intrigué.

- Des bobos ? Quel genre de bobos ?

- Des lignes rouges.

Le sang du brun n'avait fait qu'un tour, alors qu'il comprenait petit à petit que ce qu'il avait vu auparavant n'était rien d'anodin. Bill se faisait du mal. Dans tous les sens du terme, en plus du harcèlement psychique constant qu'il s'infligeait il se détruisait physiquement, à se griffer et s'entailler. Il mutilait son corps pour mieux l'oublier, pour mieux le pleurer, peut-être pour mieux mutiler son ancienne vie. La déchéance du jeune homme l'inondait et allait finir par le submerger, ce qui rendait fou d'inquiétude le soldat. Il devait lui en parler, il le fallait. Sinon il ignorait ce qu'il pouvait advenir de son aimé et ne voulait pas savoir à jusqu'où il était capable d'aller. La simple pensée qu'il l'avait laissé seul lui fit instantanément peur et le brun se ravisa, prenant la petite par le dessous des aisselles.

- On s'en va Solange !

Il la hissa sur son dos et la fit crier au passage, ce qui le fit inconsciemment sourire. Le brun dévala l'allée, effrayé. Il comprenait d'où venaient les traces de sang sur le carrelage de la cuisine.

[...]

Bill était tombé sur cette scène sans le vouloir. Les pieds congelés par le froid, son châle autour de ses épaules, ses yeux curieux posés sur ce qui se jouait devant lui et ses cheveux emmêlés, dû à sa nuit trop courte. Il observait le brun, bouffé par la curiosité, et cru défaillir en le voyant retirer sa chemise. Bouton par bouton, à mesure que son regard descendait vers le bas du torse du plus vieux le russe ressentait une étrange chaleur monter dans son ventre, qui lui fit immédiatement prendre peur. Il n'avait pas le droit de ressentir ça. Le jeune brun se maudissait autant qu'il était incapable de détacher son regard du soldat, qui était à demi nu devant lui. Le bruit de l'eau qui coulait du robinet masquait sa respiration, alors que ses yeux se reflétaient dans le noir, chat affamé. Il crut mourir en voyant le plus vieux retiré son dernier vêtement, avec une difficulté non négligeable dû à sa jambe handicapée. Bill tremblait, hypnotisé. Il aimait le corps nu de Tom, sur lequel jouaient les rayons de la lune, à scintiller par endroit, comme pour le sublimer. Il ne se souvenait plus avoir senti ce corps près de lui, en lui. Le jeune homme avait oublié toutes ces sensations, aussi bien qu'il avait oublié le visage de Tom lorsqu'il était au camp. Une sueur froide le transperça lorsqu'il se rendit compte de ce qu'il était en train de faire. Cette envie de sexe qui grimpait en lui ne faisait que l'effrayait encore plus, car il se sentait incapable de ressentir du désir après toute cette souffrance, même pour Tom. En particulier, pour Tom. Ce dernier promena ses mains rêches sur ses bras nus et les frictionnas énergiquement, avant de descendre vers le bas de son corps, plus précisément sa jambe malade. Il retira consciencieusement le bandage et porta sa main tremblante à la blessure. Le jeune homme hurla en la touchant, se crispant de douleur, des larmes pleins les yeux. L'affreux bobo n'était pas du tout beau à voir. La peau autour de la plaie avait pelé et la blessure ne cicatrisait pas, emmagasinant du pus dans la jambe meurtrie. Tom pleurait de douleur, en lavant comme il le pouvait sa jambe, gémissant chaque fois que l'eau entrait en contact avec sa blessure. Il tremblait, ses mains écartant la plaie pour mieux la nettoyer, devant Bill qui s'inquiétait de tout son corps. Son homme souffrait tant, il ne comprenait même pas qu'il n'aille pas immédiatement voir un médecin. Cet état l'angoissait, et il s'en faisait beaucoup trop pour Tom. Il refusait de le voir souffrir encore. Le brun se maudit, il n'avait même pas vu cette souffrance, il était tellement détruit lui-même et souffrait tellement en son for intérieur qu'il n'avait pas pensé une seconde à Tom. En voyant le dos du brun se redresser et l'eau couler le long de son corps bien fait il crut suffoquer, suivant une des gouttes qui s'écoulait le long de la colonne vertébrale du soldat jusqu'à la naissance de ses fesses. Ses mains plaquées sur sa bouche, les joues empourprées, il ne pensait plus qu'à cette vision érotique. Seulement la douleur de Tom le rattrapa et il dut se rasseoir, la tête entre ses mains, abattu. Bill se dit qu'il en avait vu assez et décida de réagir, sortant de l'ombre timidement.

Je t'attendrai.Where stories live. Discover now