XI.

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Tom patientait, la tête lourde et la jambe en charpie, charcuté toute la journée pour n'avoir de répit que de longues heures remplies de vide. Il observait le ciel masqué par un épais mur de béton. Ses paupières se fermaient pour ne rien voir lorsqu'il entendait un nouveau cri. Il tentait d'oublier les hurlements et les plaies purulentes constamment. Autour de lui chacun souffrait le martyr. Il entendait parfois des hommes prier pour mourir. Lui ne croyait plus vraiment en Dieu, alors il se contentait de porter sa main à ses lèvres et se concentrer sur les sensations qu'il avait oubliées. Il attrapa le petit rouage qu'il avait réussi à dévisser d'un des appareils de l'endroit et l'inséra dans la minuscule boite. Il vissa un dernier boulon et la porta à la lumière, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. Elle tenait dans le creux de sa main. Des dorures se dessinaient sur le capuchon et l'objet était d'une délicatesse infinie. Il réfléchissait le peu de lumière dans la pièce. Le brun soupira et tourna la petite clé dorée qui en dépassait. Le charmant objet se mit à crachoter de la poussière de fée avant de miraculeusement fonctionner, les deux danseurs se mettant à tourner au rythme de la légère mélodie. Le brun prit d'abord peur et referme avec hâte la boite avant de se raviser, les sourcils froncés. Il ouvrit à nouveau le petit clapet, peu sûr de lui. Les notes de piano envahirent alors l'endroit et le soldat se laissa bercer, porté par une mélodie presque aussi douce que la peau de son aimé. Cette pensée lui réchauffa le cœur, le laissant tomber dans du coton. Un voile se déposa en face de ses pupilles humides et il observa la précieuse boite chanteuse, heureux de l'avoir réparée. Il l'emmenait toujours partout avec lui. Le jeune homme se souvenait encore du jour où Bill lui avait offerte.

La ville s'éveillait, les volets claquant contre les murs et les enfants ramassant leurs cartables avant de courir vers l'école. Dans une petite chambre de grenier deux amoureux se câlinaient, l'un deux la tête sur le torse de l'autre qui embrassait ses cheveux, avec tant de douceur que s'en était déconcertant. Bill avait sorti ce petit cadeau de la poche de son pantalon au sol et l'avait tendu au brun, le regard brillant. Il lui avait confié l'avoir acheté au marché la veille pour un prix dérisoire. Tom avait essayé d'en savoir plus sur cette histoire et le brun lui avait raconté tout enjoué qu'apparemment c'était la boite à musique de la fille d'un grand Tsar qui l'aurait perdu lors d'une terrible guerre. Tom avait éclaté de rire avant de lui demander quelle terrible guerre, ce après quoi Bill avait bafouillé, bredouillant quelques suppositions incompréhensibles. L'aîné s'était gentiment moqué de lui de s'être fait arnaqué et le brun avait insisté, clamant que c'était forcément vrai. Le jeune homme avait ri aux larmes, il adorait ce côté un peu naïf de Bill. Il avait néanmoins accepté le cadeau, trouvant l'attention toute mignonne. Le cadet avait soupiré qu'il était stupide avant d'ouvrir la boite à musique et lui montrer le principal motif de l'achat, bien que d'humeur boudeuse.

Deux mariés dansaient, tous les deux bruns, et le jeune homme avait pris soin de retirer minutieusement le minuscule morceau de tulle qui servait de jupon à la mariée pour ne laissait que deux figurines en pantalons, dansant l'une contre l'autre. Tom était resté sans voix quelques minutes, profondément touché, avant de prendre son ange dans les bras et déposer mille baisers sur son visage. Il observait ses grands yeux expressifs et succomba à son corps une fois de plus, aussi fou de joie que d'amour.

Rien n'aurait pu déloger ce bonheur. Tom réalisait une fois de plus qu'il aurait peut-être dû le saisir plus vivement lorsqu'il s'était présenté à lui. Il avait toujours été convaincu que tant qu'ils pouvaient se voir, se parler, se toucher, le monde continuerait de tourner, l'océan de se remplir, et les gens d'agir normalement. La douleur était d'autant plus virulente lorsqu'il se rendait finalement compte que même en absence de son petit bonheur à lui, le monde ne cessait de fonctionner. Le monde se fiche du bonheur de Tom. Ce bonheur déchu, qui le hantait, aussi bien la nuit lorsqu'il repensait à son ancienne vie que les moments de souffrance où il tentait de s'anesthésier. Il se serait piqué aux souvenirs. Il ne voyait plus d'éventuel futur, rien que des kilomètres de passé douloureusement enfouis dans sa poitrine. Tout comme il avait gardé secret et dissimulé l'amour qu'il portait à Bill dans son ventre. Le soldat laissa échapper un long soupir, éreinté. Sa jambe le lançait toujours autant et il avant le sentiment de la sentir se disloquer, se séparer du reste de son corps meurtri. Il entendait toujours le sifflement aigu et insupportable des obus. Il se rappelait autant des cadavres entassés dans la tranchée insalubre que du parfum de son Trésor.

Je t'attendrai.Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ