XXV.

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Bill ouvrit difficilement les yeux, ses paupières encore liées par la nuit longue qu'il avait passée. La première nuit paisible depuis des années, songea le brun, en tirant ses quelques derniers fils de sommeil de son esprit. Il s'arracha au rêve et retrouva connaissance de la réalité, constatant avec étonnement d'abord qu'il était sur un matelas et pas en train de lutter contre une planche qui lui brisait les os progressivement. Il fut aussi surpris de voir les draps bordés et ramenés sur son corps avec une attention hors pairs, si bien qu'il n'avait pas été réveillé. Le jeune homme se redressa et fut frappé par le bouquet de fleur un peu fades de couleur mais qui venaient du cœur reposant à ses pieds, qu'il ramassa tout affolé, les portant à son nez et en inspirant l'odeur un peu atrophiée. Il avait fait tomber en les saisissants la petite carte qui était accroché sur le cadeau, bruit de carte qui tombe qui fit sursauter le jeune homme. Il se pencha pour la ramasser à nouveau et ne put empêcher un sourire béat de prendre place sur ses lèvres. Sourire qui avait eu du mal à éclore mais s'était finalement dévoilé simplement, touché par la bonté naturelle qui avait poussé son admirateur pas si secret que ça à lui acheter ces simples fleurs, juste parce qu'il savait qu'il aimait ça. Il caressa les pétales avec une délicatesse nouvelle et serra l'emballage contre lui, aux anges. C'était doux, presque nouveau, vivifiant de sentir la vie dans sa maison. Il avait toujours adoré les plantes pour cette raison ; elles lui procuraient un bien être monstre. Elles aidaient à mieux respirer et dégageait ses poumons occupés.

Il relu une petite dizaine de fois l'inscription avec le bouquet et laissa grandir une sensation orpheline dans son corps, qui prenait bientôt la place de l'angoisse.

« Bien dormis, mon prince ? »

L'après-midi pointait déjà le bout de son nez, le jeune brun n'avait pas bougé de sa chambre, passant sa journée à divaguer dans son lit, à ce qu'aurait pu être sa vie, ce qu'elle aurait dû être, ce qu'elle avait été et ce qu'elle serait ensuite. Il voyait ses tableaux se peindre de milles couleurs, et ses portes s'ouvrir successivement, laissant passer l'air et s'envoler la douleur, qu'elle parte avec toute sa lourdeur et ses bagages de souvenirs désagréables. Seulement la douleur qu'il ressentait dans le bas des reins lui laissait encore soupçonner qu'il ne vivrait plus jamais comme avant, énervé contre lui-même. Il griffa encore de ses mains purifiées et re purifiées ce corps malsain, malade et infecté, qu'il voyait comme le plus laid des corps. Bill trembla et le sanglot s'échappa, sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit. Il était constamment torturé, et enfermait en lui toute ses souffrances sans les révéler à personne, car il savait que si Tom apprenait il deviendrait hostile à son égard. Il serait forcément dégouté, peut-être penserait-il qu'on ne peut offrir des fleurs à un être aussi incrusté de saleté. Il ne voudrait plus jamais le toucher. Oh car le touché de Tom l'ancien déporté en rêvait, il sentait encore ses mains partout sur lui, en lui, tout près. Il désirait plus que tout d'embrasser son corps une nouvelle fois et ses lèvres qu'il ne pouvait s'empêcher de regarder chaque fois que le soldat parlait. Il en était avide, fou, mais se l'interdisait. Puis le jeune homme avait peur. Cette peur qui l'avait meurtrie et continuait de le dévorer. L'acte sexuel ne serait plus jamais synonyme de plaisir pour lui, il en était convaincu. Il avait tant souffert qu'il craignait bien trop ce genre d'attouchements. Il tentait de ne retenir que la dernière fois qu'il s'était donné à Tom et se disait, bien qu'hésitant dans ses propres pensées ; c'est celle-là la dernière fois où j'ai fait l'amour. La montagne d'autre Bill les avaient oubliées, les viols n'était pas ce qu'il ressentait avec Tom, ils n'étaient pas ce que lui ferait Tom. Mais comment faire la différence ?

Puis le brun savait que Tom qui était encore si beau ne pouvait vouloir d'une loque, d'un vide lamentable, d'un puit a pitié comme lui. Le soldat méritait un homme plus fort, qui aurait surmonté ou au moins oublier, d'un homme intelligent qui saurait lire en toutes les langues possible et beau comme aucun homme ne pouvait l'être. Bill n'était rien de tout cela, il y a encore quelques années il ne savait même pas lire. Il se trouvait vraiment stupide. Un insecte faible et débile, stupide et inconscient, naïf et abattu, et maintenant souillé et laid. Comment l'entité vivante qu'était Tom, la perfection incarné qu'il représentait aux yeux de Bill pouvait-elle ne serait-ce que penser à aimer pareil déchet. Le brun se sentait souvent de trop, peut-être encombrait-il le plus âgé. Cette simple pensée lui glaça le sang, alors qu'il tentait de se persuadé du contraire. Il priait secrètement pour que Tom l'autorise à l'admirer encore un peu, il ne savait même pas s'ils pouvaient se considérer comme des amants. Tout ceci était si loin. Ils étaient si jeunes et niais auparavant. Peut-être qu'une fois cette innocence perdue il leur était tout simplement impossible de reconstruire quelque chose de solide. Il doutait de chaque geste du brun et se sentait chamboulé par chaque attention qu'il lui portait, même bénigne. Les fleurs qu'il lui avait acheté (achat d'ordinaire évité car considéré obsolète, ils n'avaient pas d'argent pour ce genre de gâterie éphémères) avait fait bouger en lui quelque chose, comme si les rouages qui bloquait son cœur commençait tout doucement à redémarrer et devenait de plus en plus utilisables.

Je t'attendrai.Where stories live. Discover now