Chapitre 6 : Le départ

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Deux jours se sont écoulés dans la luxueuse demeure de monsieur Mostapha. Le matin d'après, le domestique nous annonça que nous devions nous préparer pour quitter la Syrie vers la France... Il nous proposa deux belles tenues ainsi que les billets d'avion et les passeports et nous quitta tout de suite.

― Il a dû se tromper, les passeports ne portent pas nos véritables identités.

― C'est du trafic ma belle.

― Cet homme est un trafiquant ? Qu'est-ce qu'il fait au juste ?

― À l'époque j'ai entendu mes parents en parler. Apparemment, il serait un dealer ! Et puis la mafia a voulu sa mort...

― De la drogue en Syrie ?! Je n'y crois pas !

― Euh ! Vous les bourgeois vous êtes vraiment bizarres... On s'en va sans se poser de question Dana. Ce n'est pas notre affaire.

Tout s'est enchaîné rapidement par la suite. Le chauffeur nous a conduit jusqu'à l'aéroport en empruntant des routes discrètes et intraçables. A peine arrivés sur place, il nous déposait et fit demi-tour sur le champ.

Quand nous étions montées dans l'avion, l'hôtesse de l'air nous conduisait à nos places, en première en classe.

― Wouha ! s'écria Chacha. Vive le luxe ! Je suis comblée de joie !

Excitée comme une puce, elle n'arrivait pas à tenir en place. Son comportement agité et un peu trop dynamique et sa haute voix attiraient les regards sur nous. Vu les circonstances actuelles dans le pays, personne n'avait vraiment envie de rigoler. Les gens semblaient avoir rapidement adopté le stress et la tristesse comme mode de vie. Ce n'était pas le cas d'Aicha. Elle arrivait à noyer sa peur et continuait de vivre son enfance. Elle parvenait à voler du temps au temps pour imposer sa joie.

Chacha était une belle jeune fille. Elle était blonde. De jolis cheveux bouclés couronnaient sa petite tête. Ses yeux étaient d'un vert foncé pénétrant, et ses lèvres étaient pleines et pulpeuses portant sans relâche un sourire sincère et éternel. Aicha avait un teint clair et fin embelli par de petites taches de rousseur. Sa posture féminine était marquée par des rondeurs bien dessinées mais un peu trop abondantes. Malgré cette féminité débordante, elle parvenait à garder une apparence juvénile et timide. Elle positionnait en parlant et jouer de véritables symphonies en mangeant. Ses repas à rallonge étaient limite insupportables avec toute la nourriture qui fuyait sa bouche. Mieux vaut ne pas engager de conversation avec elle quand elle mangeait. Elle suait abondamment, indépendamment de la température qu'il faisait. On pouvait d'ailleurs voir l'eau qui coulait de ses pores. Elle ressemblait à un ange, un ange bizarre certes, mais elle était courageuse et sincère.

Quand j'ai connu Aicha, j'ai regretté toutes les heures passées dans l'établissement scolaire que je fréquentais. Là-bas, les gens étaient prétentieux et superficiels ne parlant que d'argent et de voyages. J'avais compris que la vraie richesse résidait en ces moments partagés avec des personnes pauvres comme Chacha mais qui possédaient des vies simples et heureuses.

Chacha avait quelque chose de différent de mes anciennes amies. Elles auraient sûrement réagi différemment. Elles étaient gâtées et loin d'être aussi courageuses. C'est simple, elles seraient tout simplement mortes de peur. Je fermais alors mes yeux et je pensais à ma sœur qui était ma meilleure amie malgré son jeune âge. Ma pauvre petite sœur...

« Messieurs et mesdames attachez vos ceintures... »

On était enfin en France, enfin. Je descendis de l'avion suivie de Chacha jusqu'à la sortie de l'aéroport.

― Et maintenant on fait quoi ? Lui demandai-je.

― On attend un chauffeur me répondit-elle.

Une demi-heure plus tard une limousine s'arrêtait devant nous. Une si luxueuse voiture pour deux pauvres refugiées? C'est le genre de véhicule destiné plutôt aux célébrités et aux femmes d'affaires ! J'y grimpais et restais silencieuse, tandis que Aïcha dévorait le paysage de ses yeux. Paris, le beau Paris. La ville d'amour que je chérissais de tout mon cœur. Il ne s'agit pas de ma première visite et pourtant à chaque fois la magie des retrouvailles étaient encore plus intense que la précédente. Paris était la ville préférée de toutes celle que j'ai visité auparavant. Les sentiments réveillés étaient aussi forts que la nostalgie. Paris me rappelait les diners d'affaires de mon père, les congrès médicaux de ma mère, les grandes salles, les délicieux repas, la gastronomie française, le goût du beurre, le froid des hivers enneigés, les câlins des amoureux, les visages souriants des arabes, le petit garçon qui m'avait envoyé des fleurs...Tant de beaux souvenirs.

Ma drogue humaine ( réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant