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Le temps est maussade, il pleut sans discontinuer. Je lève les yeux vers le ciel gris, laissant mon regard se perdre dans ce vaste champ de coton que forment les nuages. Je peux enfin apprécier un moment de répit que j'avais tant espéré. Je profite au maximum de la tranquillité en déposant mon livre et en fermant les yeux. Je laisse le bruit des gouttes de pluie me bercer.  

Une mélodie me pénètre l'oreille, elle m'ordonne de me réveiller. Je me redresse très rapidement pour décrocher mon téléphone.

« Bonjour, Matsuzaki Akira à l'appareil. J'écoute !
- Bonjour Monsieur Matsuzaki, je suis Monsieur Tanabe. Je vous appelle pour vous informer que nous vous attendions avec impatience à la prochaine rentrée scolaire. Félicitation.
- Je vous en remercie, j'ai hâte de me joindre à vous.
- À très vite. » 

Quelques secondes après le coup de fil, toute la pression que je portais sur les épaules s'était envolée. Je suis tellement soulagé d'avoir eu cet emploi en un rien de temps. Je me permets de partager la grande nouvelle avec ma mère. Je lui envoie un message avec le sourire aux lèvres.

En à peine une demi-heure, maman s'était permise de rentrer. Elle tambourine à la porte comme une hystérique en criant mon prénom. Je m'empresse de lui ouvrir, ce qui laisse entrer son excitation. Elle se jette sur moi en m'embrassant la joue. J'ai l'impression d'avoir encore huit ans avec elle...     

« Je suis fière de toi mon fils ! Je savais que tu réussirais du premier coup !

- Merci maman. C'est aussi parce que tu m'as soutenu depuis le début. »

Son sourire ne voulait plus quitter son visage.

On s'installe sur la terrasse avec du café à porté de main.

« Et maintenant, tu comptes déménager à Kobe ?

- Oui. Je ne vais pas m'amuser à faire le trajet d'ici jusqu'au lycée.

- Oui... Ça te fatiguerait.

- Exactement.

- Tu sais Aki, je ne suis pas prête. Si ce n'était que de moi, je ne te laisserais jamais partir.

- Ne t'inquiète pas maman, je vais faire tout mon possible pour te rendre visite.

- J'espère bien ! »

Un silence s'impose alors. Je fixe le sol mouillé pour ne pas affronter la tristesse sur le visage de ma mère.

« Dis-moi Aki... » tremblote alors sa voix.

« Oui ?

- Pourquoi est-ce que tu es tant attiré par Kobe ? »

Je ne souhaite pas répondre à cette question, mais tout au fond de moi, je sais très bien qu'elle en connaissait la réponse.

« Pourquoi est-ce que tu souhaites tant le rencontrer ?

- Maman, je ne veux pas en parler. Je n'ai pas envie de créer un malaise avant mon départ.

- J'imagine bien... Mais je me demande parfois si je n'ai pas été assez présente pour toi ? Qu'est-ce qu'il te manque mon fils ? »  

Je soupire très fort pour lui faire comprendre le désagrément.

« D'accord. Je me tais. »

Elle roule les yeux puis, croise les bras. Et voilà, madame est agacée.

Après de longues discutions, maman était partie se balader dans le coin. Je profite alors de la solitude pour faire mes valises et me débarrasser de quelques paperasses. Je me demande à la fois si j'allais rencontrer mon père. Depuis tout petit, je voulais savoir s'il se doutait de mon existence. Selon maman, elle n'était même pas au courant que j'étais dans son ventre, car elle avait fait un déni de grossesse. Lorsque j'avais vu le jour, elle avait décidé de quitter le lycée par peur de la réaction des autres, mais aussi parce que mon père avait une petite-amie. Je n'en savais pas plus, mais c'était peut-être l'occasion idéale de faire plus de recherche. J'ai appris durant mon adolescence qu'il logeait à Kobe. Malgré que la ville soit immense, mes chances étaient un peu plus grandes que si je restais à Habikino.

  Les heures s'égrènent, il fait déjà nuit. Je m'étire puis me dirige vers le frigidaire. Je recherche rapidement quelque chose à me mettre sous la dent. Il reste qu'un peu de salade que j'avais grignoté ce midi. Je m'en empare et m'assois dans le salon. Installé devant la télévision, je parcours vaguement les chaines sans trouver quelque chose d'intéressant à regarder. Je m'arrête donc sur un reportage animalier bien plus passionnant que les dramas.  

  Maman interrompt le documentaire en ouvrant brusquement la porte. Elle se met à courir dans tous les sens, comme si elle était à la recherche de quelque chose.

« Qu'est-ce que tu fais maman ? »

Elle vient vers moi en me donnant une claque sur les jambes. Ses sourcils se froncent suite au geste.

  « Ne mets pas tes pieds sur la table ! »

Je me rassois bien et l'observe d'un air blasé.

  « Honoka m'a proposé d'aller boire un verre, mais je ne trouve plus mon porte-monnaie !

- Tu as regardé parmi le bordel que tu as mis dans la salle de bain ?

- Oh ! Je n'y ai pas pensé ! » 

Elle reprend de plus belle. Ma mère est trop dynamique, rien que de la voir faire des aller-retour me donne le vertige. 

Peu après le départ de ma mère, je me suis fait un bon bain chaud dans lequel je me prélasse dans le plus grand des calmes. Je me laisse emporter par mes pensées qui sont évidemment focalisées sur mon père. Bien que j'avais eu le privilège de connaître deux pères " potentiels", j'avais tout de même cette détermination de pouvoir regarder mon géniteur dans les yeux. Je baisse les yeux vers mes doigts qui deviennent fripés et à ce moment-là, je me dis qu'il est peut-être préférable de renoncer à tout cela. Et si mon père avait déjà une famille ? Peut-être que je devrais m'abstenir au risque de briser ce qu'il a créé. De toute manière, je découvrirais de moi-même, il faut que j'arrête de psychoter. Je me relève brutalement pour m'essuyer. J'ai grandement besoin de repos.  

  Je me suis à peine enroulé dans les draps que le sommeil m'emporta.

  Je me suis à peine enroulé dans les draps que le sommeil m'emporta

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