Chapitre 13 : Mystère

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- Laïa !

Je me redressais brusquement en écarquillant les yeux, les poumons en feu et le corps secoué de tremblements incontrôlables. Il faisait nuit et j'étais assise dans le sable mouillé dans le halo de lumière d'une lampe torche. Quelqu'un me caressait le dos pour m'aider à calmer ma respiration sifflante.

- Ça va ?

Je reconnus la voix inquiète de Bridgess avant de tourner le visage vers elle, la tête lourde. Peu à peu, je repris mes esprits. La Gardienne était assise près de moi et Sébastien se tenait debout derrière elle et tenait la lampe torche, l'air tout aussi inquiet. Je hochais la tête et fis passé ma langue sur les lèvres sèches. Je tentais de bouger les bras et grimaçais. Un bandage taché de sang m'entourait le bras droit à l'endroit où le démon m'avait attrapée. Je grognais, la gorge douloureuse :

- Et le démon ?

- Ce n'est pas toi qui l'a tué ? s'étonna Tobias en jaillissant derrière moi.

Je remarquais, grâce à la lampe à huile que tenait Carl, perché sur une pierre un peu plus haut, le corps inerte du démon. Je répondis, perdue :

- Je me noyais... Et... Quelqu'un m'a sauvé. J'ai juste vu un homme, ils se battaient et je n'y voyais plus rien. Si ce n'est aucun d'entre vous, qui était-ce ?

Carl bondit de son rocher pour nous rejoindre et je vis pour la première fois un air préoccupé sur son visage habituellement fermé. Il lâcha en posant les yeux sur moi :

- Je ne sais pas qui c'était mais il devait être vachement en colère. Il s'est acharné, le combat à dû être d'une violence extrême. Et je serais prêt à parier que le démon était mort bien avant qu'il ne s'arrête...

- Quelle arme ? s'enquit Tobias en fronçant les sourcils.

- À première vue... Je dirais un poignard, en argent pur vu les dégâts. On va avoir du mal à le transporter sans qu'il ne tombe en morceaux ...

Mon estomac se retourna et je retins difficilement un haut le cœur. Ils parlaient de ça si facilement, d'une façon si détachée, c'était écoeurant. Bridgess posa sa main sur mon épaule alors que je frissonais, autant de froid que de dégout​. Sébastien les interrompit alors :

- Les gars, on parlera de ça plus tard.

Tobias opina et fit signe à Bridgess de le suivre avec la lampe torche. Elle m'offrit un sourire compatissant avant d'obtempérer. On se retrouvait presque dans le noir, seulement illuminé par la lampe de Carl qui se tenait derrière moi. Sébastien m'aida à me relever avant que je ne lui conseille de suivre les deux autres. Les jambes flageolantes, je serrais sûrement plus longue. Je fis quelques pas avant de manquer de m'effondrer tant j'avais le corps lourd.

- Attends.

Je sursautais et me tournais vers Carl, surprise. Impassible, il s'avança et passa son bras autour de moi. Quelque peu perplexe, je glissais un bras autour de ses épaules avant qu'il ne commence à marcher. Je m'appuyais sur lui, soulagée. On progressait lentement parmi les rochers mais au moins, on avançait. Je demandais dans l'espoir qu'il ai la réponse à mes interrogations :

- À ton avis, qui m'a sauvé ?

- Je ne sais pas.

Je crus qu'il allait se tenir à ça, et je ressentis une pointe de déception à l'idée que son élan de gentillesse n'était que passager, mais il ajouta :

- Mais il y a quelque chose d'étrange : pourquoi il s'est acharné autant sur le démon sans toutefois s'en prendre à toi ? Et si il ne te voulait aucun mal, pourquoi n'est il pas resté jusqu'à ce qu'on arrive ?

Je soupirais. J'avais l'impression que jamais on ne saurait, c'était tellement bizarre ! Je poursuivis :

- Je ne comprend pas... D'ailleurs, comment avez vous su où j'étais ?

- Lorsqu'il à commencé à faire sombre, les autres se sont inquiétés et Sébastien à décidé qu'on devait aller voir au port. Là bas, un marin à dit t'avoir vu longer la côte. Et on t'a trouvé là, allongée sur le sable, près du corps du démon.

Je ne répondis pas, me remémorant les évènements passés. Je me souvenais de m'être écroulé en sortant de l'eau, mais il ne me semblait pas être allé si loin sur le sable. Mon sauveur mystère avait dû me déplacer. Mais pourquoi n'être pas resté !? Je lui devais la vie, ce n'était pas rien... On parvint enfin au port où les autres nous attendaient, perché sur leurs chevaux. Carl se détacha de moi et je le regardais rejoindre sa monture. Il avait fait peur de gentillesse et cela me laissait penser qu'il n'était pas si dur qu'il voulait le faire paraître. Je chancelais jusqu'à Apache qui tendit la tête vers moi, frottant ses naseaux contre mes vêtements humides et salés. Je me hissais en selle et le convoi s'engagea dans la rue menant à l'Auberge. Une fois sur place, je voulus les suivre aux écuries et m'occuper de mon cheval, mais Sébastien protesta :

- Monte te coucher. Reposes toi, tu en as bien besoin. On part demain à l'aube...

Je hochais la tête, trop fatiguée pour répliquer, et me trainais à l'intérieur. L'Auberge était toujours aussi bondée et je sentis sur moi les regards curieux des clients. Mais je n'avais pas la force de m'en préoccuper et montais jusqu'à la chambre. Je m'enfermais à l'intérieure, elle était sobre mais élégante, et possédait deux lits. Je me rappelais alors que je la partageais avec Bridgess. Je filais sous la douche et restais vingt bonnes minutes sous le jet brûlant, tentant de décoller le sable de ma peau. Puis, je me glissais dans un pyjama douillet et sous les draps en soie. Je soupirais d'aise, et de fatigue.

Bridgess me rejoignit bientôt et s'installa sur son lit en me dévisageant en silence. Elle finit par déclarer :

- Les Gardiens d'une même équipe possède une marque semblable sur la clavicule. Ça nous permet de savoir où se trouvent les membres de notre groupe en toute circonstance... Tu as eu beaucoup de chance aujourd'hui, Laïa... On aurait pu arriver trop tard et tu serais morte durant la nuit. Alors j'en ai discuté avec les autres et nous avons décidé que lorsque tu iras mieux, nous appliquerons la marque sur toi. Tu seras un membre officiel de l'élite.

Mon coeur fit un bond dans ma poitrine et un sourire enchanté naquit sur les lèvres. Mais j'étais si fatiguée que je ne pus que hocher la tête. La Gardienne sourit et se leva avant de disparaître dans la salle de bain. Ma tête se mit alors à tourner et je fermais les yeux, l'esprit bouillant.

J'avais faillis mourir aujourd'hui. Tuée par un démon, alors que la veille encore je pensais qu'il n'y en avait pas à Éden. Je serais morte noyée, loin de ma famille. Ma grand mère me manquait, Lewis me manquait, même les attitudes désintéressées de mon père me manquaient. Mais ce soir, Bridgess m'avait dit qu'elle souhaitait que je rejoigne l'élite. Moi, faire partit de l'élite ! J'accomplissais mon plus grand rêve. Alors je me répétais que demain serait un jour meilleur.

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