36.

775 91 49
                                    


Le jour où j'ai compris une fois de plus que les mensonges sont mauvais, c'est un samedi. Le dernier des vacances exactement. 

Ces dernières se sont écoulées à la vitesse de l'éclair, entre grosses révisions de partiels, quelques séances de basket à mon ancien club, sorties avec mes parents et visites chez de la famille où l'on me regarde souvent de travers, à l'affût du moindre geste qui trahirait mon état de santé instable ainsi que psychologiquement lunatique, et enfin plusieurs sorties avec les gars, dans des bars, au parc, et une fois, on a même voulu tenter l'accrobranche pas loin. 

C'était génial, si on oublie que Seb a eu le vertige dès le deuxième obstacle (du parcours débutant, donc quand le colosse de deux mètres de haut se trouvait à soixante-dix centimètres du sol), Henri qui nous a fait une crise de panique en haut d'un arbre parce qu'il avait aperçu un écureuil, et cela m'a permis d'apprendre ce jour-là qu'il en avait la phobie, Zach qui a poussé un cri d'effroi en voyant son portable tomber de sa poche lors d'une tyrolienne ( qui a failli assommer Seb au passage, qui nous attendait en bas ) et moi qui suis resté un bloqué petit moment à un obstacle parce que je suis tombé d'un skate suspendu. Bref, je ne me suis pas ennuyé des vacances.



Du coup, pour le dernier week-end, je passe voir Jonah chez lui. Assis sur un muret, je l'observe qui s'entraîne avec un ballon de foot. Il est doué, jouant dans le petit club de la ville pendant quelques années. Je crois qu'il a arrêté en arrivant au lycée, parce que les entraînements lui prenaient trop de temps. 

Mais armé de mon appareil photo, je capture quelques clichés, un peu comme Zach et sa lubie ridicule. Sauf que je ne cherche pas à prendre le plus mauvais cliché des gens pour leur ressortir à leur anniversaire. Non, je prends Jonah parce qu'il est beau, sa peau claire illuminée par le soleil, un air concentré sur son ballon et un petit sourire en réussissant ses dribbles, comme celui qu'arbore un enfant fier de lui.

— Tu sais ce qui est plus stressant que quelqu'un qui t'observe sans discontinuer ? Quelqu'un qui prend toutes les cinq secondes un cliché de toi, me lance-t-il sans stopper son activité.

Un nouveau « clic » sonore retentit de mon appareil, et je souris, content du moment que je viens de capturer.

— Je te l'ai dit, tu es beau, c'est pour ça.

Je vois les joues de Jonah s'empourprer légèrement, alors j'appuie vite sur le bouton pour obtenir le cliché tant espéré. Cette fois, il se retourne vers moi, l'air mi exaspéré et mi amusé par mon comportement.

Il me prend alors l'appareil des mains, s'éloigne de quelques pas en arrière, et se tient debout face à moi.

— Souris, m'ordonne-t-il en calant son œil derrière l'objectif.

— Non Jonah, rends-moi ça.

— Tu fais ton paparazzi avec moi, je pense avoir le droit de te prendre en photo aussi. Souris.

J'obéis, en me disant qu'après tout, puisque c'est mon appareil, je pourrais faire ce qu'il me plait de la photo qu'il prendra ensuite. J'entends une série de cliquetis, et finis par éclater de rire. Cet idiot a tant qu'à faire pris une rafale de photos.

Il avance tout guilleret, cale son corps entre mes deux jambes, et toujours assis sur le muret, je me penche vers lui pour distinguer l'écran de l'appareil.

— Tu es beau, soupire mon ami d'une voix à peine audible.

Des fois, je ne le comprends pas. Quand je vois un cliché de moi, j'ai l'impression de voir mon dur passé ancré sur mon visage.

La théorie des montagnes russes - Tome 2.Where stories live. Discover now