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J'entends trois petits coups sur la porte. Voyant que mes colocs sont occupés dans la chambre de Zacharias, et qu'Enzo fait sa dissertation de français sur la table, je devine qu'il faut que ce soit moi qui aille ouvrir. Je me lève doucement du canapé, et quand j'ouvre la porte, le sourire timide et embarrassé de Marjory m'apporte un petit baume au cœur, comme si sa tendresse habituelle venait me prendre au milieu de ses doigts.

Elle est toute jolie, comme d'habitude à vrai dire. Marjory caresse les plis de sa robe grise et réajuste sa veste en cuir, avant de remettre adorablement derrière son oreille une petite mèche châtain qui a décidé de se rebeller.

Marjory, c'est une beauté qui s'ignore. Cette innocence la rend magnifique.

– Entre Marjo, Gaël est occupé avec les gars. Il se fait beau.

Elle me fait la bise avant d'entrer délicatement dans l'appartement. Enzo vient la saluer avant de retourner à sa dissertation. Il s'efface beaucoup dans la coloc. Après, c'est sûr que pour l'instant, je ne suis pas aussi soudé avec lui que mes amis de l'an dernier. Mais cela viendra, je pense. J'ai carrément oublié l'idée de le virer de l'appart, et je me fais à sa présence.

Après, cela n'est pas facile pour lui non plus, avec un père à des centaines de kilomètres, une mère qui ne répond jamais à ses appels, et le fait qu'il se retrouve avec quatre connaissances, qui sont plus âgées alors que lui n'est qu'en Première.

On échange quelques banalités avec Marjo, avant qu'enfin Gaël apparaisse avec ses deux compères. Il sait se faire attendre, ce gars. Je vois les yeux pétillants de ce dernier quand il aperçoit Marjo, et franchement, cela me fait rire comme on dirait un coup de foudre des films d'amour bien pompeux. Mais eux, c'est fascinant, comme deux âmes qui devaient se rencontrer : le destin leur avait décidé cela, et il avait bien fait.

Gaël sourit, il a emprunté un blazer à Zach qu'il a mis sur un t-shirt blanc. Ça le change, pour quelqu'un qui porte essentiellement des t-shirts et des sweats à longueur de temps, en look de skateur habituel.

Même si j'imagine qu'en plus du stress de son rendez-vous, il lui faudrait songer à ne pas salir le vêtement de notre ami, donc le prix doit facilement s'élever à trois chiffres.

– Bon, les gars, vous êtes sages, mais nous on y va ! lance le blond d'une voix enjouée.

– T'inquiète, ce soir c'est soirée foot, lance Jonah, France-Allemagne, ce sera du beau. Sois mignon avec Marjory, et on t'enverra le score en temps réel.

Les deux petits tourtereaux s'éloignent hors de l'appartement, avec déjà un sourire aux lèvres. C'est le genre de vie que j'envie réellement. Elle paraît simple. Elle paraît...



J'ai aidé Enzo à faire son français, c'est étrange. Dans le sens de notre rapprochement. C'est insensé, et pourtant... Moi-même m'étonne d'être autant protecteur envers lui : on s'assure qu'il ait un toit, et avec les gars, tentons de l'empêcher de prendre de la drogue (mais c'est compliqué), essayons de lui faire oublier sa situation familiale assez rocambolesque, et l'aidons pour ne pas qu'il tombe trop bas.

Je ne veux pas qu'il devienne comme moi.

C'est peut-être même grave d'autant me détester pour tenter à tout prix que personne ne devienne aussi monstrueux que moi.

Enzo, il nous apporte quand même de sa jeune insouciance, même si les événements font qu'il l'a perdue en partie.

Enzo, je réalise que c'est comme le frère que je n'ai jamais eu. Et que j'avais toujours rêvé d'avoir.

Zach nous a préparé ensuite un gratin de légumes ainsi que du poulet au piment (j'aime ce coloc qui est un as de la cuisine) avant que l'on se mette devant la télé, tous les cinq. Oui, Grizou aussi s'intéresse au foot, c'est évident. Il a choisi de se poster sur les genoux de Jonah, qui évidement a râlé, avant de lui faire des bisous. Quelle crédibilité mec.

La théorie des montagnes russes - Tome 2.Where stories live. Discover now