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Mettre un pied dans la maison d'Elsa, depuis six mois que je l'ai toujours évité, est étrange. Je ressens sans doute cette âme manquante derrière les murs. Sans Elsa, c'est différent : la maison semble changée, moins confortable.

–    Bonjour, vous allez bien ? demandent les parents d'Elsa aux miens.

Ils répondent par l'affirmative, tout en me forçant à avancer dans le petit couloir. Mon cœur se serre douloureusement, dieu sait que j'y ai mis les pieds quelques fois ici.

–    Tu es très beau ce soir Valentin, me complimente la mère d'Elsa.

Je souris et la remercie. Dire que passé une époque, elle me détestait et me croyait d'une mauvaise influence, pour des propres scénarios qu'elle s'imaginait mais qu'on alimentait de nos mensonges avec Elsa.

Je réajuste le col de ma chemise et avance, avant qu'un garçonnet arrive contre moi, un sourire angélique au bout des lèvres. Il s'est coupé les cheveux et a dû prendre une dizaine de centimètres depuis le temps que je ne l'ai pas vu. Ce qui me choque en revanche, c'est qu'il semble avoir quitté son côté hyperactif, il demeure la moue pensive, calme, continuellement. Peut-être le fait de mûrir, ou le contrecoup des événements passés qu'il a dû subir.

–    Bonjour Hugo ! Tu vas bien ? Le basket, toujours aussi doué ?

–    Oui ! Le coach il a dit que je me débrouille bien, mais tu sais, c'est nul depuis que tu nous fais plus les échauffements.

Je souris et ébouriffe ses cheveux blonds. Il râle un instant, avant que son père le rappelle à l'ordre.



Le repas du réveillon de Noël se passe dans une sérénité étrange, trop pesante. Souvent en regardant la table, je me demande où serait Elsa si tout cela ne serait pas arrivé. À côté de moi, tandis que je lui murmurerais des messes basses et qu'elle essaierait de rigoler en silence ? Ou face à moi, tandis que je la taquinerais avec des clins d'œil et des sourires, parce qu'elle me répétait que je la rendais folle quand je m'amusais à des petits jeux de charme.

À la place, je suis à côté de son père et face à ma mère, qui me surveille d'un regard sévère. Elle est comme ça depuis que je suis rentré, et sans doute est-ce le fait du teint fatigué que j'arborais en début des vacances qui l'avait alarmé. Enfin je pense aller mieux.

Voir que j'ai retrouvé mon gros appétit comme avant semble pourtant la rassurer en partie.



Les conversations se font assez joyeuses, en l'accord avec l'esprit de Noël qui est présent partout dans la pièce, jusqu'au décorations rouge et argent qui sont disposées de part et d'autre, ainsi que l'immense sapin qui trône au loin dans le salon, avec sa guirlande multicolore qui clignote.

Si Elsa était encore là, aurait-elle aidé une fois de plus son petit frère à faire le sapin ?

Et puis, à force de regarder autour de moi, j'ai trouvé ce qui avait le plus changé : Hugo. Cela s'est révélé quand on a donné les cadeaux de Noël. Son regard fixe l'emballage, mais il n'est pas aussi pétillant que les autres enfants.

Hugo a perdu une partie de son innocence, trop tôt. Il est heureux, mais pas complètement. Je devine que quelque chose lui manque : sa grande sœur.

Mon dieu, que le monde est cruel quand même.

Et je comprends enfin que nous tous, chaque personne autour de cette table, sommes dans la même situation : notre joie de Noël s'est effacée en partie. Ce qui nous reste n'est qu'un leurre, pour faire semblant face aux autres. L'astre en haut du sapin me rappelle que que j'ai une étoile au ciel, et une absence sur terre.



La théorie des montagnes russes - Tome 2.Where stories live. Discover now