- On a fêté Noël

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- Louis -



De tout le trajet jusqu'à mon quartier huppé, ni elle ni moi n'ouvrons la bouche. Je n'ai pas envie de parler et Carrie l'a compris. Pourtant j'intercepte le moindre de ses regards nostalgiques se poser sur les endroits qu'elle reconnait, ces endroits que nous fréquentions deux ans en arrière quand nous nous sommes rencontrés... mais non, je n'y arrive pas. Mon inavouable tristesse m'en empêche.

Le lotissement se matérialise. Je gare la voiture derrière la rutilante Audi de mon père puis saisis la main crispée de Carrie, caressant ses doigts de mon pouce pour tenter de les détendre.

Moi aussi j'avoue redouter un certain malaise, mais heureusement notre arrivée se passe très bien. Mes parents l'accueillent avec chaleur tandis que toutes mes sœurs lui sautent au cou en piaillant de joie. Toutes sauf Charlotte, bien sûr, qui se contente d'une bise très sèche avant de s'en aller. Carrie n'en montre rien mais ça lui fait beaucoup de peine, moi aussi.

Le repas est comme toujours trop abondant et trop animé. C'est bon de retrouver cette effervescence constante qui a baigné ma jeunesse. Félicie ne quitte pas mes bras, et où que je me rende, j'ai toujours une jumelle accrochée à chaque jambe. Les montres, elles m'ont tellement manqué, et je crois que je leur manque aussi. Elles me regardent comme si j'étais un héros, pourtant je ne suis qu'un musicien paumé qui se traine de bars en bars, ça n'a rien d'admirable pour l'instant.

Carrie semble de plus en plus à l'aise au fil des heures qui passent, grâce à Georgia surtout, qui discute beaucoup avec elle. Malgré ça ma douce poupée n'est pas dans son assiette. Faute à mon autre sœur, faute à sa mère, faute à sa situation délicate et surtout, faute à cette distance que j'ai brutalement instauré entre nous.

L'heure du coucher arrive. Les filles montent une après les autres rejoindre leurs chambres à l'étage. Carrie se penche déposer un baiser timide sur mes lèvres avant de souhaiter bonne nuit à mon père, avachi contre moi dans le canapé face à la cheminée.

— La petite Carrie, s'amuse-t-il en la regardant grimper le vieil escalier de bois. Qui se serait douté ?

— Pas moi, souris-je en partageant son regard complice.

— Elle s'est finalement décidée à grandir, quelle jolie plante. Elle me rappelle Georgia un peu. Tu te souviens ses crises dans la salle de bain ?

Comment oublier, j'en ris en hochant fermement la tête. Ma grande sœur fondait régulièrement en larmes devant les miroirs parce que ses seins ne voulaient pas pousser. L'inverse de Charlotte, qui elle s'est féminisé trop tôt. Finalement que ce soit l'une ou l'autre, elles ont pareillement souffert du regard des garçons. Pareil pour Carrie, et le pire c'est que c'était moi, le fameux garçon.

— C'est sérieux alors tous les deux ?

— Oui, très sérieux.

— Génial fils, et comment vous gérez la distance ?

— On ne la gère pas.

Mon père pince les lèvres et m'observe contempler les mains que je triture, avant de changer de sujet.

Quand viens mon tour d'aller dormir, j'organise une véritable mission furtive pour quitter ma chambre et rejoindre celle de Carrie. La porte grince en la faisant sursauter dans son lit, assise en tailleur en train de pianoter sur son téléphone.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

— Quelle question, fais-je en refermant délicatement, je viens dormir avec toi.

No Rules ║ Feel FreeWhere stories live. Discover now