- J'ai avancé

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- 6 ans plus tôt - Carrie -



Bien souvent, j'ai faibli et il s'en est fallu de peu.

Plusieurs fois j'ai failli décrocher lorsque son nom s'affichait, heureusement, je n'ai jamais accepté cet appel fatidique qui aurait relancé encore et encore cette regrettable histoire.

Parce qu'elle est regrettable, sans aucun doute.

Jamais je n'aurais réussi à avoir Louis pour moi, à être la première dans son cœur et contre ses lèvres, pas même l'espace d'une soirée ou d'une heure. Si jamais je devais ramper à ses pieds pour redevenir la gentille petite confidente pathétique que j'étais, je crois que je ne m'en remettrais jamais.

C'est terminé, je l'ai décidé. Sauf que la désintoxication demande beaucoup de travail.

Dès qu'il m'arrive quelque chose, dès que j'entends une blague qui me fait rire aux larmes ou que j'ai besoin de parler, je pense immédiatement à lui, personne d'autre. Mes yeux se ferment et je souffre de longues minutes... jusqu'à ce que ça passe.

Il parait que ça finit toujours par passer. Ma mère me le répète et elle est bien placée pour le savoir. Depuis peu elle fréquente Philippe, un charmant ingénieur. Elle m'a l'air heureuse c'est vrai, sauf que parfois son regard se perd dans le vague et je sais qu'elle repense à cet affreux Marc qui la faisait tant vibrer.

Plus grand-chose ne me fait vibrer moi.

Fabien m'avait déjà quasiment quittée pendant mes vacances chez Louis et Harry, et vu qu'à mon retour je suis restée cloitrée chez moi à sangloter, alors je ne l'ai plus revu.

Histoire de me faire un peu plus de mal, j'ai relu les Cinquante Nuances de Grey, me remémorant chaque passage que je lui avais lu au téléphone et dont nous avions si ardemment débattu. Puis j'ai passé leur CD en boucle et regardé toutes nos photos de nos vacances, histoire de m'achever.

Ma mère était inquiète, mais j'ai eu besoin de cette overdose pour m'en libérer, ça a plutôt bien fonctionné, au fil des semaines les larmes se sont taries.

Septembre est arrivé, la rentrée à l'internat a bien détourné mon attention. Ce beau château perdu en lisière d'un village verdoyant m'a impressionné. L'endroit est si beau qu'il fait tout oublier. Les paysages sont arborés, les élèves sont tous bien éduqués et passionnés, et les professeurs sont mondialement réputés.

Vivre en internat me change de mon quotidien, il y a toujours une constante effervescence et du monde où que j'aille. Ce serait presque amusant s'il ne régnait pas une atmosphère terriblement stricte.

En tant que danseurs de ballets, nous sommes habitués à la rigueur, mais lorsqu'elle est également appliquée aux repas, aux loisirs, aux cours, aux heures de couvre-feu et même à la promiscuité entre élèves, c'est difficilement supportable.

Les autres s'en accommodent car ils ont la danse, ils aiment danser et la passion en vaut la peine... moi je crois que je n'aime plus, je n'aime plus rien en vérité.

La seule chose que j'aimais, je m'en suis douloureusement séparée.

L'unique lumière dans ce tunnel est que les internats offrent des facilités pour tisser des liens, chose qui m'est très difficile par nature. Depuis les deux mois qu'ont débutés les cours, je me suis fait quelques amis, dont Brigitte et Madeleine, mes deux colocataires.

Brigitte est douce et posée, jolie brune issue d'une riche famille qui la traite comme une princesse. Son parcours est émouvant, elle aime danser plus que tout au monde et pourtant elle sait qu'elle ne pourra jamais devenir la plus grande des étoiles d'une troupe réputée, car Bree est trop petite et trapue. Ainsi se brisent ses rêves, par un involontaire mètre cinquante-cinq et une ossature trop lourde qui la cantonnent à d'autres choix de carrière plus modernes et contemporains. Elle s'en accommode avec dignité et encaisse les remarques cinglantes des professeurs sans jamais plier. Je l'admire beaucoup.

No Rules ║ Feel FreeWhere stories live. Discover now