No Rules ║ Feel Free

- Mauvais départ

- Harry -

Malgré trois whiskys au bar d'à côté, je suis toujours sur les nerfs. C'est clairement de l'argent balancé par les fenêtres.

Ce que m'a dit Louis, c'était moche. Ce que je lui ai dit l'était encore plus. Mais tous deux avions raison en un sens.

Carrie n'est pas un problème en soit, mais c'est le fait qu'elle va le devenir qui m'emmerde, et ça il est incapable de l'entendre. Moi des problèmes je n'en veux pas, ni pour lui ni pour moi, alors je le montre, d'une façon peu subtile c'est vrai, mais je suis comme ça, on ne me changera pas. Lui non plus, le grand Louis bienveillant qui ne voit jamais le mal nulle part et aime se prélasser dans son monde de Bisounours.

Une femme vient s'accouder au bar contre mon épaule pour commander une Vodka Gin. L'œillade qu'elle m'offre ne laisse place à aucun suspens, ça serait une éventuelle façon de me calmer cette nuit, mais non, je n'en ai même pas envie. A la place je plaque un billet sur le bois collant puis récupère mon casque à mes pieds pour rentrer.

Toute la baraque dort déjà lorsque j'arrive. La chambre de Louis est fermée, signe que Loriane s'y trouve aussi. Au fond de la pièce, Carrie sur son matelas au sol a levé la tête. Je lui passe à côté pour aller me doucher, déposant mes affaires sans aucun effort pour être discret, après tout c'est chez moi ici.

J'en ressors le corps humide et mon bas de jogging tombant sur mes hanches. Carrie s'est assise sous ses draps, elle m'observe dans la nuit.

— Salut Harry, me chuchote-t-elle. Tu as passé une bonne soirée ?

— Ouais.

Fin de la conversation. Je déplie le clic-clac puis m'y effondre. Carrie aussi bouge un peu, j'entends le froissement de ses draps, puis le silence total revient. Je m'endors.

Le whisky m'a toujours donné des sommeils lourds et sans rêves, c'est reposant.

*

Du bruit me réveille, c'est la porte d'entrée qui se referme doucement. Il est trop tôt, je le sens dans mon corps, normalement j'aurais dormi un paquet d'heures supplémentaire. Quand j'ouvre un œil, je découvre Carrie toute habillée debout dans le salon, qui porte des sachets de la boulangerie entre ses bras. Je grogne en roulant sur le côté, vaine tentative pour essayer de me rendormir, sauf que ses petits bruits feutrés m'en empêchent.

Des bips aigus résonnent. Qu'est-ce qu'elle fout ? Ah, c'est la vitrocéramique qui s'est mise en sécurité. Blondie a dû se dire que réchauffer à la plaque ferait moins de bruit que le micro-ondes, sauf que la manœuvre a clairement foiré.

Encore un bip. Un deuxième. Son soupir désespéré. Autre bip. Au prochain je jure que je lui saute dessus.

Elle sursaute quand je bondis du lit et la rejoint, repoussant ses doigts de la surface noire pour y poser les trois miens. La vitro s'active, elle y fait glisser la casserole. Je me tourne lui faire face, la surplombant de toute ma hauteur. Ses yeux ambrés me jaugent comme je la jauge, sans se détourner. Le sachet blanc de boulangerie s'ouvre alors en crissant entre ses mains, elle y pioche un gros sablé aux amandes qu'elle lève entre nos bustes rapprochés.

Merde alors. Comment connait-elle ma pâtisserie favorite ?

J'en reste sur le cul, clignant rapidement des paupières, avant d'attraper le gâteau par automatisme. Un mince sourire en coin lui apparait, presque désolé, et c'est un comble absolu. Elle est en train de s'excuser pour avoir engendré mon comportement affreux. S'excuser d'être ici, chez moi. De me faire chier. Elle s'excuse au lieu de monter au front, toujours plus armée après chacune de mes attaques.