No Rules ║ Feel Free

- Nos discussions valaient tout l'or du monde

- Carrie -

Quelle soirée...

Entre Harry parti en claquant la porte, Loriane pleurant une demi-heure dans la salle de bain puis Louis qui la raccompagne chez elle, l'ambiance n'aurait pas pu être moins affreuse.

Que s'est-il seulement passé ?

Harry a sans doute eu la remarque cinglante de trop, Lorie ne l'a pas supporté. C'est vrai que c'est dur. Qu'il est dur. J'en suis passée par là lors de nos premières vacances, il m'avait tant humiliée, rabaissée, attaquée.

Harry est le meilleur pour ça. Sa grande intelligence lui permet de toucher pile là où ça fait mal et en quelques mots à peine. Un sombre pouvoir, qu'il se fait un malin plaisir d'utiliser dès qu'il le peut.

D'abord moi, puis Rachel, maintenant Loriane. A croire qu'il ne supporte pas que les femmes gravitent autour de Louis.

Quoi qu'il en soit, je me retrouve seule sur ce balcon. Ça aurait pu être pire. Ce petit espace est comme un refuge baigné de la lumière de la lune. Il sent bon les plantes aromatiques de la voisine. Profitant de ma solitude improvisée, je décide de téléphoner à ma mère puis à Fabien. Nous nous racontons nos deux jours éloignés l'un de l'autre, il me dit que je lui manque, je lui dis la même chose, et on raccroche. C'est à ce moment que la porte d'entrée s'ouvre.

Harry est revenu.

Il n'a pas l'air franchement coupable des évènements lorsqu'il pose son casque et sa veste sur la table, égal à lui-même. Il traverse le salon en quelques enjambées et me rejoint sur le petit espace rectangulaire de ciment. Aucun regard dans ma direction quand il s'accoude à la rambarde face à la nuit, s'allumant une cigarette. Moi je le regarde.

Sa stature est devenue plus imposante en un an. Il a pris du muscle, ressemble moins à un adolescent. Ses cheveux se sont allongés, ses boucles noires n'encadrent plus sa mâchoire mais retombent sur sa nuque. Ses habits sont sombres eux-aussi, il porte un débardeur orné d'une croix religieuse retournée, un jean ample tombant sur ses hanches et des Doc Marteens ouvertes aux chevilles. Ses fines manches laissent apercevoir les tatouages de son dos et de ses bras nus, achevant ce look rock et rebelle.

Que l'on aime ou pas le style, on ne peut nier la beauté charismatique et sauvage qui se dégagent de ce garçon.

Moi je ne le nie pas.

Il s'allume une cigarette - qui illumine un instant son visage de rouge - puis souffle la fumée épaisse dans le ciel. Il est énervé, ça se ressent, ce serait donc suicidaire de vouloir lui parler, mais je ne sais pas, c'est plus fort que moi. A ma décharge je suis seule ici depuis deux heures.

— Vous vous êtes disputés ?

De toutes les questions possibles, il a fallu que ce soit elle qui sorte. Harry recrache une nouvelle bouffée par le nez, son œil visible me détaille.

— T'es perspicace pour une blonde.

— Il parait oui.

Ma tentative de dérision tombe à l'eau. Je n'obtiens qu'un soupir avant qu'il ne se perde à nouveau dans la contemplation de la résidence.

Je suis consciente que d'un point de vue extérieur, les gens penseraient que je suis folle de m'acharner autant avec lui, qu'il n'en vaut pas la peine, qu'il n'est un qu'un con arrogant, une mauvaise personne... mais plus les mois passent et plus je me dis que non, ça ne peut pas être que ça. Il ne peut pas être que ça.