- Un moment clef

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- Louis -

On dit que certains passages de votre vie deviennent des moments clefs.

Cette dernière soirée en est assurément un.

Dans cette boite de nuit assourdissante à la très mauvaise musique, assis sur cette inconfortable banquette devant notre bouteille d'alcool et la dizaine de verres éparpillés, j'ai réalisé beaucoup de choses.

J'ai réalisé que malgré le fait que nous en donnions tous l'impression, je ne m'amusais pas du tout.

J'ai réalisé que contrairement à l'image passionnée que Loriane et moi reflétions, je n'éprouvais que de l'affection et une forte attirance physique pour elle.

Mais j'ai surtout réalisé que pour une question de respect et de bienséance vis-à-vis de mes amis en visite ici, mon cul est resté vissé sur cette banquette au milieu de gens qui n'en avaient finalement rien à foutre que je sois là.

Puis j'ai attendu, mais Harry n'est pas revenu du bus. Pourquoi l'aurait-il fait d'ailleurs, il n'y avait rien de glorieux à rejoindre ici... alors, au fond de mon désespoir et de mes remords, j'ai bu comme je ne bois jamais.

J'ai bu à en cramer mon salaire et ma carte bleue.

J'ai bu à en vaciller et faire chier les autres gens de la boite.

J'ai bu à en fumer le joint de Zayn alors que je ne me drogue jamais.

J'ai bu à en baiser Loriane sur le parking alors que je n'aime pas baiser.

J'ai bu jusqu'à ce qu'enfin je ne puisse plus penser à rien et que je m'effondre dans la voiture.

J'entends des voix et des rires, je ballote dans les virages et on me claque la joue, puis ce sont des cris que j'entends, des cris furieux. On m'attrape pour me trainer et on passe mon bras autour d'épaules, celles d'Harry. Ça gueule encore puis des voitures repartent.

Il y a enfin le silence, entrecoupé d'insultes à mon intention qui n'en sont pas vraiment. Il me ramène dans l'appartement et me laisse tomber dans les toilettes.

Je vomis. Beaucoup. Je dors un peu accroché à la cuvette aussi et parfois je fonds en larmes pitoyables. Je dis des choses que je n'entends même pas et je dors à nouveau.

Puis les choses se matérialisent doucement autour de moi.

Je suis tellement mal, je ne me souviens pas avoir été aussi mal de ma vie.

— Styles, gémis-je.

— Je suis là tête de con.

Sa voix est toute proche, juste dans mon dos. Je pivote les épaules de la céramique blanche et je le vois assis par terre contre le mur près de mes jambes. Je ne peux pas discerner ses traits mais j'imagine très bien son expression grave.

— Où sont les autres ?

— Qu'est-ce que tu peux bien en avoir à foutre d'où ils sont, t'en fais pas pour eux, ils sont bien mieux que toi là.

Je me passe une main sur le visage dans une plainte pitoyable. Ma peau colle et mes fringues puent, c'est affreux pour moi qui craint tellement ce genre de choses. Il me relève sans trop de ménagements et me guide à la salle de bain. Il me vire mes fringues et me pousse sous la douche. Je dois me tenir contre le mur pour ne pas tomber, sa poigne autour de ma gorge me maintient. L'eau glacée frappe mon corps et me fait trembler, mais ça me soulage aussi, ma vue devient moins floue et mes pensées se font plus claires.

No Rules ║ Feel FreeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant