Ma Société. Mes Règles. Mon Combat.

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Leila. Même Jour. Quelque part à Paris.

Dommage que j'ai dû rendre la moto. Je l'adorais. Mais bon, je me promets que si j'arrive à me sortir de tout ça, je me paierai une pareille. Juste pour le plaisir de sentir les vibrations du moteur dans mon corps. Je l'ai laissée exprès garée devant un poste de police en plein sur le trottoir. J'étais certaine qu'à cet endroit son propriétaire pourrait la récupérer et qu'elle ne risquait rien.

Et puis, j'ai fait ensuite ce que je sais faire de mieux, j'ai disparu dans la rue. J'ai renoué d'anciens contacts et j'ai fouiné. J'ai remué la merde des bas-fonds. J'ai enquêté. J'ai activé toutes mes relations jusqu'à être certaine d'avoir tout compris. Enfin je l'espère. Je reconnais que sans une certaine personne je n'y serais pas arrivé. Mais comme d'habitude, il a été mon roc ; comme toujours depuis la mort de mes parents et de mon grand-père : Guillaume, mon majordome. Je ne vous ai pas encore parlé de lui, mais il est réellement ma seule famille maintenant. Il m'a connue encore en couche, et puis enfant capricieuse avant d'être cette ado rebelle et en fuite. Il m'a ouvert les bras quand je suis revenue des années plus tard pour prendre en main mon héritage. Il ne m'a jamais jugé, n'a jamais remis en cause mes choix. Il m'a toujours soutenu, a toujours veillé sur moi de près comme de loin. Et aujourd'hui encore, c'est lui qui me permet de faire ce que je fais. Je crois qu'il est presque plus énervé que moi de ce que j'ai découvert.

Toutefois, il manque encore certaines connexions. Mais les choses viendront en leur temps. Pour l'heure j'ai besoin d'un plan d'attaque. Et d'un bon de surcroît. Il va falloir que j'anticipe beaucoup de choses pour être parée à toute éventualité.

Je me suis cachée dans le sous-sol de mon manoir. Mieux vaut être au plus proche de ses ennemis pour voir les coups venir. Là, au moins, je suis sûre qu'ils ne viendront pas me chercher, car – soyons honnêtes —, qui viendrait me chercher chez moi, alors que tout le monde me croit coupable et en fuite ?

Oh, les flics sont bien passés, mais ils n'ont rien trouvé...

Depuis, je suis certes prisonnière de ma propre maison, mais je ne suis pas pour autant pieds et poings liés.

Guillaume arrive et son air grave me prend aux tripes.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Vincent vient d'appeler. S.C est placée sous contrôle administratif et judiciaire. Les actifs ont été gelés et tout a été saisi.

Ce que j'apprécie chez Guillaume, c'est son attitude directe et sans fioriture. Au moins, il n'enjolive pas. Il n'essaie pas de travestir la vérité. Mais j'avoue que ça reste un choc pour moi. Je pensais, après les révélations d'Adrien, que ce dernier protégerait ma société et tous ses salariés. Mais non, il m'a trahie là encore.

Je suis...

Dépitée ?

Désabusée ?

Déçue ?

Je suis tout ça à la fois et bien plus encore.

J'ai mal. Vraiment mal. J'essaie vainement de chasser les larmes que je sens poindre derrière mes yeux. Mais je n'y arrive pas. Quand la première goutte d'eau coule sur ma joue, Guillaume se précipite vers moi et me prend dans ses bras.

- Oh mon petit... Non, ça va s'arranger. Tu verras, Leila, ça va s'arranger. On va trouver des solutions.

Je sanglote contre son torse, incapable de m'arrêter. C'est un nouveau coup de poignard dans mon cœur et j'ai bien peur que ce dernier soit mortel. J'essaie vainement de comprendre comment j'en suis arrivée là et ce que j'ai fait de mal dans ma vie, quand la sonnerie stridente du portail annonce l'arrivée d'un visiteur. Guillaume se retourne et fait face à l'écran qu'il a installé ici pour que je puisse voir par la caméra de sécurité qui arrive. Pour le cas où...

Tout mon corps se tend quand l'immense silhouette d'Adrien se découpe sur l'image. La douleur, la colère, et la rage se mélangent en moi. Guillaume me dévisage, impassible. Seules ses narines qui palpitent me montrent, qu'à l'intérieur, il est comme moi : dévasté par tout ce qu'il se passe.

- Reste ici, je m'en charge.

Il me laisse et repart d'un pas très raide vers l'étage. Je fixe l'écran, indécise et soucieuse.

Pourquoi Adrien est-il ici ?

Ma société est à l'agonie et lui débarque chez moi ? Pourquoi ?

Je le regarde encore. Il entre quand le portail s'ouvre devant lui. Il le passe à pied. Il a l'air fatigué et inquiet. Je ne comprends plus rien. J'ai besoin de savoir ce qu'il fait ici. Alors je remonte à mon tour à pas de loup et je me planque dans un recoin. De là où je suis, je ne peux pas le voir mais je peux l'entendre. Sa voix grave me percute. Ses intonations ont perdu leur arrogance pour faire place à une réelle inquiétude.

Ça aussi, ça me fait mal.

- J'ai besoin de savoir où est Leila. Si vous savez où elle se cache, Guillaume, je dois le savoir.

- Je doute fort que Mademoiselle Michel est un jour envie de vous revoir, M. Erria.

Adrien fait un geste nerveux de la main.

- Là n'est pas la question. Elle est en danger. Je dois lui parler.

Guillaume ne bouge pas d'un pouce et croise les bras.

- Et qu'auriez-vous à lui dire, hein ? Vous en avez déjà bien assez fait comme ça.

Adrien soupire. Je l'imagine tout à fait passer la main dans ses cheveux, nerveusement.

- Je n'ai rien à voir avec ce qui arrive à SC.

- Ah non ?

Guillaume renifle de mépris. Adrien s'agace.

- Je me fous de ce que vous pouvez bien penser de moi. Dites-lui juste, si elle vous contacte, de m'appeler. Il en va de sa vie.

- C'est une Michel. Elle est bien plus forte que vous ne le pensez.

Adrien étouffe un juron.

- Vous êtes aussi borné qu'elle ! C'est incroyable ! C'est parce qu'elle a toujours tout fait toute seule qu'elle en est là où elle en est aujourd'hui ! Vous ne le voyez pas ? ! Elle a besoin de moi. Elle a besoin d'être protégée et épaulée pour la suite. Si vous savez où elle est, il faut me le dire !

Je m'appuie contre le mur, en fermant les yeux, perdue. La voix d'Adrien a des accents de sincérité que je ne lui avais jamais entendus auparavant. Mon corps a envie d'aller se jeter contre le sien. Mon cœur tambourine bien plus que je voudrais, et ma raison, elle, essaye de mettre tout ce petit monde au pas.

Je dois faire ça toute seule.

Ma société. Mes règles. Mon combat. Ma vengeance.

Adrien n'a pas sa place. Du moins, il ne l'a plus. Si à un moment, j'ai vaguement pensé à lui en laisser une dans mon entreprise comme dans ma vie, il l'a définitivement perdue. Je ne peux plus me permettre la moindre faiblesse, ni la moindre erreur.

Et Adrien est les deux.

Une putain d'erreur de parcours. Une foutue faiblesse dans ma cuirasse.

J'ai bossé trop dur pour arriver à faire ce que je voulais faire et pour réaliser tous mes désirs de carrière et mes fantasmes de photographe. Pour ma fondation et pour ceux qu'elle protège aussi.

Non, définitivement non. Il m'a prouvé trop de fois que je ne pouvais pas avoir confiance en lui. Cette fois-ci encore ne fait pas exception à la règle.

Je l'entends partir et je glisse doucement vers le sol et l'oubli...


Back Fire - Edité et en vente-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant